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Marina tressaillit.

- Nous sommes allés le visiter aujourd'hui. Nous avons parlé à la directrice...

- Qui est absolument charmante.

Ignorant la remarque de son mari, la mère de Marina termina sa phrase :

- ... et elle a accepté de te prendre dès la semaine prochaine.

Marina tomba des nues.

- Attendez... La semaine prochaine ? s'exclama-t-elle. Mais les vacances d'été ont commencé il y a seulement quinze jours !!

Son père fit la sourdre oreille.

- Tu ira à l'internat, annonça-t-il.

« À l'internat ? » Elle le dévisagea, bouche bée, en tournant et retournant ces mots dans sa tête « À l'internat ? Ils plaisantent. »

- Évidemment, on va devoir se serrer un peu la ceinture. Cela dit, ça vaut mieux que de te laisser foutre ta vie en l'air. Tu es encore une enfant aux yeux de la loi mais plus pour longtemps. Tu as seize en as, Marina ! s'écria-t-il en frappant l'accoudoir de plat de la main. Il faut que ça cesse.

Elle compta les battements de son cœurs : « ... treize, quatorze, quinze... » Elle n'en revenait pas. Là, c'était vraiment pas cool. Pas cool du tout. On pulvérisait tous les records de non-coolitude à cet instant précis, dans cette pièce. Elle se pencha en avant.

- Écoutez, je sais que j'ai fais des bêtises et, croyez moi, je n'en suis pas fière.

Elle fit son possible pour avoir l'air criant de sincérité. Sa mère demeurant insensible, elle se tourna vers son père, suppliante.

- Vous ne trouvez pas que vous dramatisez, quand même ? Papa, c'est dingue !

Sa mère jeta un coup d'œil à son père, plutôt autori- taire cette fois. Il regarda sa fille en secouant tristement la tête.

- Trop tard. Notre décision est prise. Tu commences mercredi. Jusque-là, pas d'ordinateur, pas de portable, pas d'iPod. Et tu ne quittes pas la maison.

Quand ses parents se levèrent, elle se dit qu'elle comprenait ce que pouvait ressentir l'accusé au moment où le juge sort de la salle d'audience du tribunal. Dans le grand vide qu'ils laissaient derrière eux, Marina poussa un gros soupir, toute tremblotante.

Elle passa les jours qui suivirent dans un épais brouillard, un mélange d'hébètement et de solitude. Elle était censée faire ses bagages et se préparer, mais elle consacra l'essentiel de son temps à tenter de persuader ses parents de revenir sur leur projet insensé.

En vain. Ils lui adressaient à peine la parole.

Le mardi après-midi, sa mère lui tendit une fine enveloppe écrue sur laquelle ressortaient des armoiries élaborées, tracées à gros traits d'encre noire et accompagnées de ces mots: École privée Cimmeria». Dessous, la mention Informations pour les nouveaux élèves avait été ajoutée à la main d'une belle écriture soignée, avec des pleins et des déliés.

Les deux feuilles de papier qui se trouvaient à l'intérieur semblaient avoir été tapées à la machine. Marina n'en était pas sûre elle n'avait jamais vu de papier dactylographié de sa vie, mais chaque petite lettre carrée formait une empreinte en relief bien visible sur le papier épais blanc cassé. Les pages ne contenaient que quelques paragraphes. La première était une lettre de la directrice de l'école, une certaine Isabelle le Fanult, qui prétendait attendre avec impatience d'accueillir Marina dans son établissement.

«Ouais, super », pensa Marina en la jetant par terre. La deuxième page n'était pas beaucoup plus intéressante. Elle expliquait que les crayons, les stylos et le papier seraient fournis par l'école, de même que l'uniforme. On lui demandait de coudre ses initiales sur tous les vête ments qu'elle choisirait d'emporter, ou de les marquer avec un feutre résistant à l'eau. On lui conseillait aussi d'apporter des bottes et un imperméable car « le parc de l'école [était] très étendu et champêtre ».

Night SchoolOù les histoires vivent. Découvrez maintenant