Je descends de la scène du Velvet Room, le souffle encore court, mon corps scintillant de sueur sous les lumières tamisées. La musique pulse encore dans mes veines, mais l'euphorie est rapidement remplacée par une lassitude amère. La danse, c'est ce que j'ai toujours aimé, mais ici, dans ce club, elle a perdu tout ce qui la rendait belle. Chaque pas que je fais sur cette scène n'a plus rien de gracieux. C'est juste un moyen de survie, un acte désespéré pour amasser quelques billets froissés que ces types balancent négligemment sur la scène.
Je ramasse les billets, pliés, roulés en boule, certains encore coincés entre les interstices de la barre, et les enfonce dans mon soutien-gorge. Je me force à sourire, à faire un dernier clin d'œil aux hommes attablés près de la scène avant de disparaître derrière le rideau. Une façade, comme toujours. Ce sourire n'a rien de vrai, rien d'authentique. C'est juste le masque de Cherry, la danseuse sexy et provocante que ces hommes viennent voir nuit après nuit.
En arrivant dans les coulisses, je me sens soudain épuisée. Je sors les billets et les compte rapidement. Quelques-uns, plus généreux que d'autres, m'ont laissé des billets de dix ou vingt dollars. D'autres se sont contentés de quelques billets d'un dollar. J'atteins à peine cent dollars avec cette danse. Pas mal pour une nuit, mais toujours loin des deux mois de loyer que je dois combler. Toujours loin des 500 dollars que Mick m'a volés.
Je serre les poings, la rage me montant à la gorge. Ces 500 dollars, je les avais gagnés honnêtement. Une danse privée, un truc qui n'aurait dû me coûter qu'un peu de dignité de plus.
Je jette un coup d'œil rapide vers la salle, à travers le rideau légèrement entrouvert. Il est là, évidemment, assis à une table avec un client régulier, ses petits yeux vicieux posés sur moi comme à chaque fois. Je l'évite du mieux que je peux, mais il est toujours là, à me surveiller de loin, avec ce sourire pervers collé sur le visage. Il m'a regardée toute la soirée, ses yeux glissant sur moi chaque fois que je montais sur scène. C'est comme si, avec lui, je ne pouvais jamais me détendre, comme si mon corps ne m'appartenait jamais vraiment tant qu'il était là.
Je me tourne brusquement et m'éloigne. Si je croise son regard une seconde de plus, je sens que je vais perdre le peu de sang-froid qui me reste.
Dans le vestiaire, j'ouvre mon casier et commence à me changer. Exit Cherry, bonjour Riley. Je retire la perruque rose et laisse mes cheveux bruns retomber sur mes épaules. J'enfile un jean usé et un t-shirt noir, un uniforme qui me fait passer inaperçue dans les rues sombres de New Orleans. Mon visage retrouve aussi sa normalité une fois démaquillé. Chaque coup de lingette sur mes joues, chaque trait de maquillage effacé, c'est comme retirer une couche de cette identité que je déteste tant.
Je m'observe un instant dans le miroir fissuré. Une fille fatiguée, des cernes sous les yeux, des traits tirés. Mais au moins, c'est moi. Pas cette illusion que je dois vendre chaque nuit à des hommes qui ne voient en moi qu'un corps à admirer ou, pire, à fantasmer.
Je ferme mon casier et prends une grande inspiration avant de quitter le vestiaire. Je m'arrête au bar pour dire au revoir à Monica.
— T'as tout déchiré cette nuit, gamine, me lance-t-elle avec un sourire fatigué, ses mains nettoyant distraitement des verres derrière le comptoir.
Je lui rends son sourire, même si je n'y crois qu'à moitié.
— Ouais, merci, Monica. On se voit demain.
Elle hoche la tête, son regard plein de cette compassion silencieuse qu'elle a toujours eue pour moi. Je pourrais lui parler de Mick, lui dire à quel point il me dégoûte et à quel point j'ai envie de fuir cet endroit, mais elle sait déjà tout ça. Elle sait, et elle est coincée ici comme moi.
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The Midnight Girl
RomanceRiley fait de son mieux pour garder la tête hors de l'eau, mais sa vie prend un tournant dramatique lorsqu'un événement tragique la pousse à fuir. Désespérée, ne sachant vers qui se tourner, elle cherche refuge auprès de Nathan, un garçon aussi énig...