Chapitre 15

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Dans son bureau, les rayons du soleil perçaient à peine à travers les volets mi-clos, laissant dans la pièce une pénombre feutrée. Milo était assis, les coudes posés sur la table, les doigts serrés autour du journal froissé devant lui. Le Journal Lakay avait osé publier un récit à propos de lui et Anna-Louise, exacerbant ce qui s'était passé lors du bal des Durosier. Chaque mot imprimé le ramenait inévitablement à ce moment, à elle.

Ses pensées s'égaraient. Anna-Louise. Ses yeux... deux abîmes d'un noir profond qui le dévoraient chaque fois qu'il croisait son regard. Il se souvenait de la manière dont ses longs cils papillonnaient lorsqu'elle tournait la tête, comme une caresse aérienne qui effleurait son âme. Puis, ses lèvres. Douces, pleines, elles semblaient faites pour murmurer des promesses secrètes. Et ce parfum... Ce parfum envoûtant, mélange subtil de jasmin et de bois de santal, le hantait à chaque instant. C'était comme si son odeur s'accrochait à son être, l'enveloppant d'un voile invisible mais enivrant.

Milo passa une main tremblante sur son visage. Il n'arrivait pas à la chasser de son esprit. Elle s'était immiscée en lui, et chaque pensée, chaque respiration était une torture. Il la désirait, plus que n'importe quelle femme. Mais ce n'était pas seulement une attraction physique. Elle représentait tout ce qui lui échappait, une liberté et une spontanéité qui l'attiraient, mais qui le terrifiaient tout autant.

Il se leva brusquement, repoussant sa chaise avec un bruit sourd. Il se sentait prisonnier de ce désir qui le consumait. Sa grand-mère, Roseline, était une présence constante dans sa vie, mais même elle ne comprenait pas ce tourment qui le rongeait. Alors qu'il fixait le miroir devant lui, il se surprit à voir son reflet, fatigué, les yeux cernés. Anna-Louise. Encore elle. Elle le rendait fou, littéralement. Cette femme, avec sa manière d'être, sa beauté indomptable, était en train de le rendre malade.

Juste au moment où il se perdait à nouveau dans ses pensées, la voix autoritaire mais chaleureuse de sa grand-mère résonna dans le couloir :

- Milo, mon cher, tu ne peux pas rester enfermé ici toute la journée. Viens, allons discuter.

Il serra les dents et rejoignit Roseline dans le salon. Elle l'attendait, assise sur un grand fauteuil de velours pourpre, un sourire bienveillant sur les lèvres.

- Il est temps que tu reprennes ta place, Milo. Nous avons plusieurs bals à venir, et tu sais combien la bonne société te regarde. Tu as fait sensation lors du dernier, mais tu ne peux pas te reposer sur cet exploit.

Milo soupira. Il savait où elle voulait en venir. Sa grand-mère rêvait de le voir épouser une jeune femme de bonne famille, faire son entrée définitive dans la sphère mondaine qu'elle appréciait tant. Mais lui, tout ce qui l'obsédait, c'était cette nuit avec Anna-Louise, ses gestes, ses mots, et la manière dont elle l'avait ensorcelé sur la piste de danse; sans oublier leur baiser.

- Grand-mère, je n'ai pas envie de danser avec d'autres femmes.

Roseline haussa un sourcil, amusée.

- Mon cher enfant, tu es jeune et tu es un Henry. Le sang de rois coule dans tes veines. Il y a des attentes, des responsabilités que tu dois honorer.

Milo ne répondit pas immédiatement, le regard perdu dans le vide.

- Si tu continues à te retirer de la vie sociale, à t'enfermer dans ce bureau, tu vas finir seul et aigri. Il faut que tu participes aux prochains bals, que tu te montres. Et qui sait, tu pourrais rencontrer une jeune femme... intéressante.

Il ferma les yeux un instant, revoyant encore Anna-Louise. Aucune autre ne pourrait jamais la remplacer. Il le savait. Elle était la seule qui, en un simple regard, avait pu le plonger dans un tourbillon d'émotions qu'il ne contrôlait plus. Chaque fibre de son être criait de la retrouver, de la revoir.

Le retour des beaux joursOù les histoires vivent. Découvrez maintenant