Chapitre XXIX - La Trahison

2 2 3
                                    

ALAN

Alan, toujours menotté, fixait Page avec stupéfaction. Elle se tenait là, en face de lui, parfaitement calme, presque indifférente à la situation. Comment pouvait-elle être si confiante ? Une pensée effrayante le traversa : avait-il été trahi ? Lui, qui croyait pouvoir lui faire confiance...

« Alors comme ça, tu es avec eux... » lança-t-il, la voix tremblante de déception. « Tu étais dans le coup depuis le début... Tu voulais juste me donner à l'Unité après ce que j'ai fait au médecin, c'est ça ?... »

Il sentait la colère monter, mais aussi une pointe de désespoir. Comment avait-il pu se tromper à ce point sur elle ?

« Qu'est-ce que tu racontes ? » répliqua Page, visiblement agacée. « C'est moi qui leur ai demandé de te ramener vivant. »

Les mots percutèrent Alan comme une gifle.

« Quoi ?! Alors pourquoi ces deux gars ont voulu m'attraper et me tabasser ? » rétorqua-t-il, méfiant, cherchant à comprendre.

« Peut-être parce que t'as foutu un gros coup de barre dans ma tête, imbécile ! » lâcha l'un des gardes avec mépris.

Soudain, la voix rauque de l'individu assis dans le fauteuil, dont Alan ne voyait ni le visage ni le dos, interrompit le flot des accusations :

« Cessez ! Messieurs, détachez-le et sortez de cette pièce. Je ne vous ai pas demandé d'être aussi violents avec lui ! »

Les deux gardes s'excusèrent en s'inclinant rapidement avant de quitter la salle. Qui est cette personne pour qu'ils obéissent si promptement ? pensa Alan, son esprit tournant à plein régime, essayant de démêler le vrai du faux dans cette situation qui le dépassait totalement.

La silhouette dans le fauteuil pivota enfin. Une femme, élégante et froide, se dévoila lentement. Elle ôta un masque, révélant un visage que l'on aurait pu qualifier de sévère mais raffiné. Sa voix, désormais claire, était bien différente de celle qui avait résonné plus tôt.

Elle s'avança, contournant son bureau, et tendit la main à Alan, un sourire glacé aux lèvres.

« Enchantée. Je suis la professeure Aurum. Page ne vous a aucunement trahi. Elle a réussi à s'échapper de l'entrepôt, puis m'a informée de votre présence. Et comme on dit, "les amis de nos amis sont nos amis". Nous sommes donc venus vous chercher. »

Alan serra machinalement la main de la professeure, mais son esprit ne pouvait se détacher de Page. Pourquoi lui avait-elle caché tout cela ? Était-elle réellement une alliée ou simplement un pion ?

« Qui êtes-vous ? » demanda-t-il, perplexe, cherchant une réponse claire, une vérité à laquelle se raccrocher.

« C'est moi qui gère le niveau zéro de la Ruche, » répondit-elle en retournant à son fauteuil. « Je suis scientifique, bien que l'Unité refuse de me reconnaître comme telle. Vous avez la chance de voir mon visage, peu de gens en ont ce privilège. »

Mais Alan se fichait de ce titre. Tout ce qui importait, c'était de comprendre Page, comprendre cette situation absurde dans laquelle il se trouvait.

« Tu savais quel chemin prendre, pas vrai, Page ? » demanda-t-il, la voix plus dure, cherchant désespérément à la faire réagir. Elle restait froide, distante. « Hein, Page ? Tu m'as laissé prendre le mauvais chemin. Tu voulais que je crève, c'est ça ?! » cria-t-il, montant le ton, espérant percer son masque de calme.

L'atmosphère devenait de plus en plus lourde. Pourquoi ne répond-elle pas ? s'interrogea Alan.

Un homme s'avança soudain, sortant de l'ombre. Alan crut le reconnaître, mais avant qu'il ne puisse formuler ses pensées, l'inconnu parla d'une voix posée :

« Arrête de dire des conneries. Elle a essayé de t'aider. Elle ne connaissait pas le chemin, c'est moi qui me suis trompé. Je n'avais pas précisé qu'il y avait une intersection. Mais au moins, vous avez réussi à arriver ici. Estime-toi heureux. »

Alan le fixa intensément, son esprit bourdonnant de questions. C'était donc lui, ce fameux Léon. Mais d'où sort-il, et pourquoi Page lui fait-elle confiance ?

« Alors c'est toi, Léon... Maintenant que je te vois, je me souviens. Toi aussi, tu faisais partie des nouveaux, ce jour-là. Avec Page et moi. Comment ça se fait que tu connaisses tous ces lieux ? T'étais pas vraiment nouveau, pas vrai ? »

Léon esquissa un sourire ironique.

« Détrompe-toi, je ne faisais que partie du spectacle. J'étais censé rechercher des recrues, mais tout ne s'est pas passé comme prévu, à cause de ce gars... Je me suis réveillé il y a quelques années, après ce qu'elle m'avait révélé, je ne voyais plus les choses de la même manière. »

« Si vous voulez vous disputer, allez ailleurs, » intervint Aurum, d'un ton tranchant. « Alan, si tu es ici, c'est pour une bonne raison. D'après ce que Page m'a raconté, tu as la rage dont nous avons besoin. »

« La rage ? » répéta Alan, pris au dépourvu. Qu'est-ce qu'elle veut dire par là ? songea-t-il.

« Nous avons besoin d'hommes prêts à tout... Prêts à renverser l'ordre actuel. »

Les mots résonnèrent dans la pièce comme un coup de tonnerre.

« Renverser l'ordre actuel ?! » s'exclama Alan, abasourdi. « Vous êtes folle ! Certes, je n'adhère pas à l'Unité, mais il y a des gens heureux là-bas. Quand j'ai vu la foule lors du défilé... Ces gens les adorent ! »

Aurum le regarda, ses yeux froids perçant les siens.

« Justement. Ceux qui croient que l'Unité est bonne sont des ignorants. Comme toi. Tu ne sais rien de ce qui se cache derrière. Mais pourquoi crois-tu que Page me fait confiance, même après si peu de temps ? Parce que j'ai un argument irréfutable. »

« Quel argument ? » demanda Alan, méfiant, sentant le piège se refermer autour de lui.

« Je ne te le dirai pas maintenant, » répondit-elle calmement. « Je ne sais pas encore si je peux te faire confiance. »

Alan serra les dents. Comment prouver ma loyauté à une inconnue qui semble jouer avec moi comme avec un pion ?

« Comment ? » demanda-t-il finalement.

« Coupe-toi un bras, » répondit-elle sèchement.

« Quoi ?! » s'exclama Alan, le cœur battant à tout rompre.

Aurum éclata de rire.

« Ah ah ! Si tu avais vu ta tête ! C'était une plaisanterie. Mais plus sérieusement, la confiance se gagne avec le temps. Pour l'instant, vous devez, toi et Page, changer d'apparence. Vous êtes des fugitifs. Léon s'occupera de ça. Faites comme si de rien n'était et travaillez à la Ruche sous de nouveaux noms. »

« Pourquoi vous feriez tout ça pour nous ? » demanda Alan, toujours sur la défensive.

« Parce que les bons candidats sont rares, » répondit-elle en se penchant en avant. « Et aussi parce que je veux faire plaisir à mon frère, Léon. »

« Ton frère ?! » répéta Alan, abasourdi. Que se passe-t-il, suis-je le seul à n'être au courant de rien ?...

« Tu es encore ignorant, » conclut-elle avec un sourire en coin. « Une fois que vous aurez changé d'apparence, vous comprendrez tout ce que vous ignorez encore. »

❂ Le Cycle de l'Unité ❂Où les histoires vivent. Découvrez maintenant