Chapitre 20 : Une vérité oubliée...

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  La nuit était de plus en plus noire et de plus en plus froide alors que David observait l'obscurité à travers la fenêtre du chalet. Le silence était rompu seulement par le tic-tac régulier de l'horloge et la respiration forte de ses otages. Sa tête était pleine de pensées, de préoccupations concernant son fils, Adam. Tout tournait toujours autour de lui.

  Adam avait disparu. Il s'était enfui, sans saisir l'importance de renouer avec son véritable sang. David sentait bouillonner en lui un cocktail d'émotions contraires : la rage de voir son fils choisir cette voie idiote, et un respect amer pour le courage dont il faisait preuve. Adam avait mis sa vie en péril pour protéger celui qu'il nommait son frère. Il avait pris ce risque, plaçant les siens avant sa propre sécurité – une qualité rare et précieuse, essentielle au sein d'une véritable famille, surtout une famille de tueurs : dans leur monde, la confiance n'était pas un luxe, mais une nécessité absolue.

  Miranda fixait Vanessa avec une intensité dévorante, comme un fauve en cage. La tension saturait l'air autour d'elles, tandis que l'effet de la drogue se dissipait, la laissant engourdie, vidée, une faim cruelle lui rongeant les entrailles. L'impatience la gagnait, ses mains tremblaient alors qu'elle les crispait, l'envie d'agir brûlant dans ses veines. Elle n'était pas venue ici pour assister à des épanchements familiaux ; elle voulait le frisson du jeu, maintenant.

  Sans plus attendre, elle avança d'un pas décidé vers Vanessa, prête à briser l'attente. Elle voulait caresser sa peau, la frôler, goûter le sel et la peur... sentir ses dernières résistances vibrer sous ses doigts. Mais soudain, la voix impérieuse de son dominant claqua dans l'air :

— Toi, la catin, tu ne bouges pas tant que je ne t'en ai pas donné l'ordre.

  Le mépris dégoulinait de ses mots. Frappée comme un chien mis au pas, Miranda se figea, avant de reculer lentement, le regard abattu, rampant en silence vers l'ombre qui l'engloutissait.

  Vanessa sentit son cœur battre la chamade dans sa poitrine alors qu'elle reculait instinctivement, cherchant désespérément une issue à cette situation cauchemardesque. Ses yeux étaient emplis de peur et de confusion, tandis qu'elle se retrouvait comme un bout de viande au milieu de deux monstres qui se battaient pour elle. Face à elle se tenait son mari, avec le visage déformé par la douleur, ses traits tirés par la souffrance. Des gouttes de sueur perlaient sur son front, mêlées à des gouttes de sang qui s'échappent de la blessure béante. Sa peau pâle prenait une teinte grisâtre alors que le choc traumatique continuait à se faire sentir. Il était là, impuissant, perdant peu à peu son sang et son énergie.

  Ils étaient pris au piège, enchaînés à cette situation effroyable, avec la lucide conscience que peu d'entre eux s'en sortiraient indemnes. La seule lueur de réconfort venait de la fuite de leurs enfants, hors de portée de ces monstres. Vanessa, d'un regard furtif jeté vers l'extérieur, sentit une vague de soulagement l'envahir. Elle ignorait où ils étaient exactement, mais elle était certaine d'une chose : ce cauchemar ne les atteindrait plus. Une étincelle de fierté l'animait, celle de la victoire de son fils, lorsque David la surprit dans cet instant d'espoir et la ramena brutalement à la réalité :

— Alors, je suppose que ce petit idiot vous remplit de fierté, pas vrai ? Un vrai héros ! Dit-il de manière théâtrale. Il a sauvé son petit frère. Bravo ! Vous serez encore plus fière en apprenant qu'ils sont sûrement morts de froid... enfin, si vous êtes toujours en vie pour le découvrir. Votre fils, c'est la seule raison qui fait que vous respirez encore. Elle m'a bien dit que s'il vous savait en sécurité, il me suivrait sans hésiter. Elle avait prédit qu'il finirait par me causer des ennuis, elle m'avait prévenu. Mais d'ailleurs, où est-elle ?

 La promesse d'une nouvelle présence dans la maison, imprévisible et inquiétante, glaça Vanessa jusqu'aux os. Un frisson lui parcourut le corps tandis qu'elle observait, le souffle coupé, cherchant à comprendre l'horreur qui se profilait. Qui pouvait bien surgir encore ? La situation pouvait-elle empirer davantage ? Une terreur sourde enflait en elle, se lovant au creux de son estomac, transformant son anxiété en un gouffre dévorant. Instinctivement, elle suivit le regard de David qui se tournait vers l'escalier menant aux chambres. Son esprit vacillait sous le poids d'une certitude brutale, inéluctable : Anna.

  Elle sentit son cœur se serrer d'angoisse. Elle n'avait même pas pensé à elle, à cette petite fille si discrète, si effacée, presque transparente. Toute son énergie avait été concentrée sur ses garçons, sur leur fuite, sur leur survie. Et Anna ? C'était comme si elle n'existait qu'en arrière-plan, un murmure étouffé par l'urgence de protéger les « petits hommes » de la famille. Elle se maudit intérieurement. Anna était toujours si calme, si sage, se disait-elle, tentant de se rassurer. Elle devrait être cachée, elle devait être en sécurité quelque part...

  Mais alors, comment David savait-il ? Pourquoi semblait-il être au courant de tout, même de sa présence silencieuse dans la maison ? C'était impossible, inconcevable. Et pourtant...

  Elle n'avait pas imaginé qu'il pourrait la vouloir, elle aussi. Après tout, elle n'était qu'une femme. Un instrument. Son propre sang. Pourquoi cet homme se soucierait-il d'une fille, même si elle était la jumelle d'Adam ?

  Pourtant, une ombre atroce s'infiltrait dans son esprit. Les images terrifiantes de toutes les souffrances que leur père biologique avait infligées aux femmes lui traversèrent l'esprit — ces horreurs qu'elle avait lues dans les journaux, les corps laissés sans vie, souillés, brisés. Elle revit les articles glaçants sur les viols, les tortures... le sang. Le tueur à la pivoine avait cette obsession cruelle, et maintenant, l'idée qu'Anna puisse devenir sa prochaine victime l'emplissait d'un désespoir insoutenable.

  La voix de l'homme se leva alors, d'un ton doucereux, venimeux, glissant dans les couloirs comme un serpent :

— Anna, chérie ? Appela-t-il, glacial et menaçant, faisant vibrer les murs de la maison.

  Le sol sembla se dérober sous Vanessa. Elle s'avança vers l'escalier, la gorge serrée, les yeux fixés sur les marches, cherchant désespérément un signe de sa fille. Non, elle n'est pas là, elle ne descendra pas... Elle sait qu'il ne faut pas...

— Non ! Cria-t-elle, la voix déchirée. Laissez-la en dehors de tout ça ! Prenez-nous, vous nous avez, mais épargnez-la, je vous en supplie !

  Mais David lui adressa un sourire lent et cruel, comme savourant l'effet de ses mots.

— Épargner ? Susurra-t-il avec ironie. Un mot bien étrange... surtout pour quelqu'un d'aussi précieux.

  Un craquement sinistre retentit alors, le bois des marches se plaignant sous un pas hésitant. Vanessa resta figée, ses yeux rivés sur la silhouette qui descendait lentement, dévoilant, marche après marche, le visage d'Anna. Sa mère lui tendit une main tremblante, l'esprit déchiré par une terreur indescriptible.

  Elle était là, une apparition troublante, comme si elle attendait cette rencontre. Ses longs cheveux bruns cascadaient autour de son visage, accentuant la pâleur de sa peau. Ses yeux, d'un bleu perçant, étaient identiques à ceux de son frère et de son père. Vêtue d'une jolie robe noire, elle ressemblait à l'ange de la mort, dégageant une beauté troublante qui contrastait avec l'horreur de la situation. À cette heure-ci, elle aurait dû être en pyjama, blottie dans son lit, ou, dans de telles circonstances, cachée au fond d'un placard. Mais là, elle descendait les marches, si jolie et pourtant si vulnérable, comme si elle s'était apprêtée pour la rencontre avec son père, comme si elle savait... Le cœur de Vanessa se brisait à la vue de cette scène.

— Anna, murmura-t-elle d'une voix brisée. Oh, mon Dieu, pourquoi n'es-tu pas restée cachée ?

Les Pivoines Du MalOù les histoires vivent. Découvrez maintenant