Chapitre 11

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L'odeur du sang.

Le mien, sans doute, que je sentais couler entre mes dents, glisser sur mon palais, et atteindre ma gorge ce qui me fit suffoquer. J'entrouvris laborieusement les yeux et crachai la terre que j'avais reçu dans la bouche. Jamais je n'aurais pu dire exactement ce qu'il s'était passé pour que je me retrouves dans cet état, les poumons en feu et le visage ensanglanté, comme si tout cela n'avait été qu'un rêve. Mais on ne peut pas se blesser dans un rêve. Je plaquai mes paumes sur le sol humide et tâchai de me relever en gardant au maximum le fragile équilibre que j'arrivais à maintenir avec mes six pattes, comme endormies malgré la vive douleur qui les traversait. En prenant appui sur une série d'arbres moussus qui paraissaient s'être dressés juste pour moi, je titubai jusqu'à un point d'eau que j'avais aperçu un peu plus tôt, retirai mon haut et y plongeai un à un mes membres endoloris. Une sensation de fraîcheur envahit mon corps, me conférant une sensation de bien-être que je ne me souvenais pas avoir déjà ressentie auparavant. Je fermai les yeux et immergeai ma tête dans l'eau verdâtre. Pas le temps d'être phobique, j'avais besoin de réconfort.

Je restai ainsi plusieurs minutes, pas vraiment en apnée car mon système respiratoire d'arachnide assurait l'apport d'air dans mes poumons. Sous l'eau tout était calme, immobile, comme si le temps s'était arrêté. J'étais présent sur Terre, mais aussi complètement coupé du monde. Rien que moi et un silence assourdissant. Finalement je relevai la tête de l'eau pâteuse. Un coup d'œil à mon reflet dans cette dernière m'indiqua la nature de ma blessure : une large entaille, partant de la commissure de mes lèvre et remontant le long de l'arrête de mon nez. Elle stoppait sa course sous mon œil gauche. J'avais le visage rincé de sang bleu sombre, et deux pattes miniatures striées de jaune qui me sortaient des joues. À part le haut de ma tête, je n'avais plus un centimètre de peau humaine sur le corps. En un mot, je n'étais pas vraiment beau à voir. Je mis mes mains en coupe, les remplis, et rinçai abondamment ma blessure, au diable les maladies qui ne pourraient de toute façon pas m'infecter.

Quand mon éraflure me parut à peu près propre, je sortis de l'eau et revêtis mes vêtements, eux aussi tachés de sang. Soudain, je sentis quelque chose heurter mon dos. Après avoir ramassé le projectile – qui s'était avéré être une pierre, je voulus savoir d'où avait-elle surgi ainsi et imaginai le trajet qu'elle avait bien pu emprunter. Mon regard se posa finalement sur Eliot, à quelques mètres de là, me fixant à son habitude d'un air blasé, comme une barrière qui nous bloquerait l'accès à ses véritables émotions. Étais-ce lui qui m'avait dédicacé l'entaille qui me barrait le visage ? Cela ne m'étonnerait pas. Je l'avais complètement oublié avec cette histoire de sang et de mandibules.

– C'est bon ? T'as fini de faire trempette ? lança une voix que je n'avais jamais entendu.

Ce n'était évidemment pas la mienne, ni celle de Nathan que je pourrais reconnaître entre mille autres, ni celle de Leïla. De toute façon elle et son frère n'auraient jamais pu nous retrouver dans cette jungle s'étendant à perte de vue... Le plus étrange, c'est que cette voix ne m'évoquait pas un langage connu, sans forme de langue ni de vocabulaire, seulement un concentré d'émotions et d'ondes qui semblait émaner de partout autour de moi.

– C'est moi, espèce d'arachnide inutile.

Je fis volte-face vers Eliot. J'étais sûr que c'était de lui que venait cette voix, il n'y aurait que lui pour me trouver un sur-nom aussi ridicule. Mais ses lèvres ne bougeaient pas. Aurais-je obtenu le don de lire dans les pensées en bonus de ma métamorphose ?

– Si tu te poses la question, non tu n'es pas télépathe, fit l'hybride en marchant vers moi.

– Comment est-ce possible ? dis-je. C'est toi le télépathe ?

Hybrides - TomOù les histoires vivent. Découvrez maintenant