Et on rentre à la casbah — Thomas Deseur
Moon
Je dois partir. Pas demain ou après-demain, dans une semaine ou dans quinze jours, c'est maintenant que je dois m'en aller. La raison est simple : deux jours se sont écoulés depuis notre altercation avec la proviseure et je suis la risée de tous. Si on me laisse tranquille dans le sens physique, il ne se passe pas un instant sans qu'on chuchote à mon passage, ne me dévisage ou qu'on ne rit de moi pour un rien. J'ai essayé de surmonter ça, de me rappeler de ce que ça me faisait sur le continent quand on se moquait de moi à l'internat, mais rien n'est pareil. En fait, malgré toutes les différences de ce monde, son caractère dangereux et cruel, quelque chose faisait que je m'y sentais bien.
J'ai passé toute la nuit à cogiter, à tourner les questions dans ma tête pour essayer de comprendre ce qu'il se passe, ce qui change, et en effet, je crois que j'ai compris. Je pouvais avancer dans la cour sans qu'on ne se moque. Je pouvais m'habiller bizarrement — même si les vêtements de pirates ne sont pas mon truc — et personne ne disait rien. En fait, j'étais normale. Dans ma bizarrerie, évidemment.
Malheureusement, même si je ne m'en rends compte que maintenant, il est trop tard pour reculer. Comme dit le grand Faf Larage : « À chaque choix on parie contre le sort ; Pas le choix faut y'aller ; Dis-leur que j'ai pas le temps ; On fait des plans pour s'en sortir ».
— Omg, Dexter m'a proposé de sortir !
Romary entre en furie dans la chambre comme une tornade, rouge tomate et totalement en transe. Surprise, je me redresse pour m'assoir sur mon lit, retire le livre dont j'ai à peine lu une ligne de mes jambes et lisse ma jupe noire à volants, courte sur le devant et longue à l'arrière. En fait, je me suis déjà préparée pour m'en aller ce soir, gardant les vêtements de la journée pour ne pas attirer l'œil, soit une sorte de robe en tulle avec le bas asymétrique et des manches bouffantes aux bras. J'aime beaucoup le col carré qui permet de cacher un peu mon corps, ça change des chemises un peu ouvertes qui dévoilent la raie de ma poitrine. Seulement, je n'ai pas pu échapper au corset qui est la base de toutes les tenues des Drecean j'ai l'impression... J'ai pris le plus pratique que m'a dégotée Romary, soit un en cuir brun avec des coutures blanches et quelques ornements dorés. Mon amie a tellement adoré mon combo qu'elle a tenue à me passer des tonnes de colliers que je porte autour de mon cou et de jolis bijoux pour cheveux qui, je l'avoue, rajoute un petit côté brillant à mon roux foncé.
J'ai décidé de ne rien emporter avec moi, si ce n'est quelques affaires propres et de la nourriture, un couteau volé au self que j'accrocherai à ma cuisse et... c'est tout. En fait, je n'ai pas de plan, et je suis morte de trouille. Si je reste là plus longtemps, je ne sais pas quel sort on me réserve mais si je pars, je vais mourir aussi. Pour le moment, je compte tout donner sur l'hypothèse qu'il y a des moyens de transport à l'avant du manoir, sur la partie que je n'ai jamais vue car, ça n'a pas changé, si je traverse la bulle d'air, je finis en canette de soda qu'on écrase.
— T'es avec moi Moon ? me demande Rom' qui s'est approchée de moi en sautillant.
— Oui, excuse-moi... C'est génial ! Vous allez vous voir quand ? Où ? Je ne sais pas trop si vous avez des weekends ici ou ce genre de choses.
— Week-end ?
— Oui, c'est plusieurs jours de suite dans la semaine où tu as des temps off, hors de l'école.
Elle fronce les sourcils sans comprendre ce que je dis. Décidément, j'avais remarqué qu'ils n'avaient pas de weekend comme nous mais ça devient épuisant d'avoir autant de différences.
— On a des jours off, comme tu dis. Mais on ne quitte pas l'école.
— Jamais ?
— Rarement. Enfin, il y a des saisons pour ça, des périodes de l'année où l'on peut bouger. D'ailleurs, j'ai oublié de te dire parce qu'on fait pas mal de bouche à oreille ici, mais on a bientôt plusieurs jours sans cours.
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The abyss inside {en pause}
FantastiqueMonica n'a pas eu le choix. C'était embarquer dans ce sous-marin avec son oncle ou retourner dans le trou qui lui sert d'internat. Ni une, ni deux, elle se résout à rejoindre ce tas de ferraille douteux qui l'entraînera le plus loin possible dans la...