Itani sentait son cœur ralentir, chaque battement s'espacer, devenant plus lourd, plus fragile, comme si la vie elle-même s'amenuisait en elle. Mais, au fond de cette obscurité, la voix de Dona résonnait avec insistance, un écho qui se frayait un chemin à travers les ténèbres et refusait de s'éteindre.
Non, elle ne devait pas mourir.
Non, elle ne pouvait pas mourir.
Avec une force qu'elle ne savait même plus posséder, Itani se redressa, titubante mais déterminée. Sa vision était trouble, mais elle apercevait les expressions de ses compagnons, partagées entre admiration et crainte, se demandant eux-mêmes si la volonté de se relever venait d'Itani ou d'une résurgence de l'Essens, qui la poussait à son ultime limite.
Les poings serrés, elle ouvrit les yeux, faisant face à une ombre qui prenait forme devant elle. C'était elle, une image d'elle-même, une réplique exacte, son propre reflet mais plus sombre, éthéré, comme une projection de tout ce qu'elle refusait d'être. Elle se rappelait que cette silhouette lui avait murmuré de lâcher prise plus tôt, de se laisser emporter. Mais cette fois, elle ne murmurait rien. Elle attendait, impassible, comme si elle-même devenait un juge silencieux, laissant Itani face à son propre verdict.
Itani inspira profondément, et soudain, une clarté l'envahit. Et si, au lieu de lutter en vain contre l'Essens, de se briser à force de résister, elle choisissait de l'accepter, de l'intégrer, de ne plus être l'humaine en conflit avec la puissance mais l'être complet, l'union des deux ? Elle comprit que cette énergie n'était ni ennemie ni alliée, elle était simplement une part d'elle, une part sauvage et indomptée qui réclamait de fusionner plutôt que de détruire.
Elle fixa son regard sur la réplique d'elle-même, cette ombre qui attendait. Sa propre main se leva, hésitante, mais finalement sûre. Elle fit un pas en avant, tendant la main vers elle, acceptant cette part de force qu'elle avait toujours crainte.
« Viens, » murmura-t-elle, un éclat de défi dans les yeux. « Faisons un. »
La réplique d'elle-même la regarda, immobile, un éclat mystérieux dans le regard. Ce n'était pas un sourire, ni un signe manifeste de bonheur, et pourtant Itani pouvait sentir cette connexion profonde, cette sorte de jubilation silencieuse et inconditionnelle qui émanait de cet autre elle-même, comme une paix enfin trouvée. Au moment où leurs mains se rencontrèrent, la réplique se fondit en elle, disparaissant en une pulsation douce mais pénétrante.
Un frisson la parcourut, des picotements chatouillant chaque nerf, chaque fibre de son être, comme si elle renaissait. La douleur persistait, profonde, implacable, mais elle ne luttait plus contre elle. Au lieu de s'opposer à cette force, elle l'accueillait, l'autorisant à s'installer en elle, à se déployer. Elle se sentait tout à la fois légère et ancrée, flottant quelque part entre le ciel et la terre.
Soudain, son toucher s'affina, devenant d'une sensibilité aiguë. Elle pouvait sentir chaque particule d'air effleurer sa peau, percevoir la moindre vibration, le souffle même du monde autour d'elle. Les sons s'intensifièrent, chaque froissement, chaque respiration haletante de son équipe, chaque cendre tombant au sol résonnaient en elle comme des battements de cœur distincts. L'odeur du paysage environnant s'entremêlait avec l'odeur âcre et brûlante des ruines de la ville. Elle percevait chaque nuance, chaque variation de parfum, comme une symphonie olfactive, lui montrant ce qui avait été et ce qui était.
Et alors que ses muscles semblaient se fortifier, que sa peau gagnait une densité et une solidité nouvelle, elle sentait aussi sa conscience se déployer. Chaque sens, chaque pensée se clarifiait. L'Essens ne la détruisait pas ; au contraire, elle l'élevait, amplifiait tout ce qu'elle était déjà, mais en mieux, en plus grand. Sa douleur se transmutait, devenant une intensité brûlante qui nourrissait cette évolution. Elle sentait sa morale, ses valeurs, sa réflexion comme jamais auparavant, limpides, d'une évidence déconcertante. Les émotions qui jaillissaient en elle n'étaient plus des tempêtes intérieures, mais des courants puissants, la guidant, la poussant vers ce qu'elle devait être.
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Ostru: Fragments d'un Monde Déchu
Aventure25 ans après une apocalypse, l'humanité a basculé dans le chaos. Cette apocalypse, issue d'une guerre, a balayé la civilisation, laissant derrière elle des ruines et des terres ravagées. Avant cette chute, la majorité des êtres humains possédaient...