HEART

Shoot on Sight

The Weeknd— Until I Bleed Out

Je suis plantée là, au milieu de la chambre, une boule d'angoisse dans la gorge. Je ne sais même plus depuis combien de temps il est parti, mais ce n'est pas ça qui me trouble le plus. Son baiser... c'était comme si j'avais manqué d'air, un goût métallique et ferreux de sang sur mes lèvres. Est-ce qu'il mange ses victimes, comme Jeffrey Dahmer ? Mon estomac se noue, une vague de nausée m'envahit et je me précipite vers les toilettes. Je me penche, tout ce que j'ai pu manger se retrouve dans la cuvette. Je m'assois par terre, une main sur mon ventre, le cœur battant, tirant la chasse pour effacer cette horrible réalité.

Je préfère vomir mes tripes que de me laisser emporter par les sensations troublantes de ce baiser. J'ai juré de le tuer, pas de tomber amoureuse de ce psychopathe. Je refuse cette idée, je préférerais encore me tirer une balle en pleine tête pour remettre mes idées en place. Mais pourquoi a-t-il choisi maintenant pour m'embrasser ? Quelle en est la signification ? Je croyais que c'était moi qui devais le supplier de le faire. Ce soir, il semblait espérer, comme si le temps était compté et que tout se précipitait.

Différemment d'habitude, je n'ai pas tremblé en sa présence. En fait, j'ai réussi à tenir bon... Est-ce que je m'habituerais à lui ? Ça ne doit pas être normal, cette situation. Il m'oblige à faire des choses que je ne veux pas, m'agresse, me terrifie, puis me pousse à le désirer, tout en jurant haut et fort que je lui appartiens. Hors, je n'appartiens à personne, sauf à moi-même. Il est temps que je change toutes les serrures et que je condamne cette satanée fenêtre. À cause de moi, Kavish a été... Heart est vraiment un malade, et encore, le mot est faible.

Je me lève. Je dois le voir avant d'aller travailler. Chaque mouvement me semble lourd, mais je m'efforce de me rincer la bouche dans la salle de bain, me brossant les dents pour éliminer ce goût infect. Je me change rapidement, enfilant une veste noire pour cacher mon uniforme. Il est encore tôt, mais je dois m'assurer qu'il va bien. Peut-être que Heart a menti juste pour me faire paniquer. Je descends les escaliers, mes rangers martelant le sol, regardant par la porte avant de l'ouvrir. Je scrute la rue avant de sortir complètement, le cœur battant la chamade. Je traverse la rue, chaque bruit me fait sursauter à mesure que je m'avance vers sa maison. Les lumières sont allumées, mais je dois le voir de mes propres yeux.

D'une main tremblante, je frappe à la porte, le cœur tambourinant dans ma poitrine. Je connais à peine cet homme, mais je m'inquiète pour lui plus que pour ma propre vie. Est-ce mon métier qui me rend ainsi ? Peut-être bien, mais je préfère ça que d'être égoïste. Heart a tort, peu importe que les autres préfèrent se sauver, moi je le ferai à leur place. Personne n'ouvre.

Je frappe à nouveau, cette fois plus fort. J'entends quelqu'un jurer de l'autre côté de la porte avant de l'ouvrir. Je tombe nez à nez avec un homme torse nu, les cheveux bouclés, le visage meurtri. Cela ne l'enlaidit pas pour autant. Sa peau légèrement matte est marquée de taches de rousseur. Il est vraiment très grand, et les hommes grands me terrifient. Il me scrute de haut en bas avant de se retourner.

— Eh, Kavish, tu ne m'avais pas dit qu'elle était si mignonne.

Je fronce les sourcils. C'est quoi ce cirque ? Je vois Kavish apparaître derrière lui, et je blêmis en voyant son visage. Alors, Heart n'a pas menti... il l'a vraiment tabassé juste parce que je... La gorge se noue. C'est entièrement de ma faute.

— Lyla... qu'est-ce que vous faites ici ?

Je tressaille sous son ton. Est-ce que Heart lui a dit pourquoi il s'en prenait à lui ? Non, j'en doute fort. Il aime jouer, et tant que son jouet n'est pas cassé, il ne le laisse pas en paix.