Les jours qui ont suivi cette soirée ont été éprouvants. Pour Nathan, chaque nuit est une bataille silencieuse contre des souvenirs qu'il ne peut plus refouler. Pendant les trois premières nuits, j'ai dû le réveiller à plusieurs reprises, le tirer hors de ses cauchemars où il se débattait, haletant, les yeux écarquillés et perdus. Les nuits suivantes ont été plus calmes, mais il restait agité, son sommeil entrecoupé de réveils en sursaut et de longues heures passées à fixer le plafond, le regard ailleurs.
Ses parents, déterminés à faire justice, lui ont proposé de porter l'affaire devant la justice et de poursuivre Nathalie, mais Nathan a catégoriquement refusé. « Je ne veux pas que mon nom soit exposé. Je ne veux pas affronter le regard de mes amis. La pitié, ça m'anéantirait, Riley... » m'a-t-il confié, et il n'y avait rien d'autre à dire. Ses parents ont finalement cédé sur ce point, mais ils ont insisté pour lui organiser des séances en urgence avec un psy, le même qui le suivait lorsqu'il était adolescent. Nathan a protesté au début, mais il a vite compris que c'était non négociable. Il est épuisé, comme vidé, et il n'a presque pas quitté la maison depuis cette nuit. Chaque fois que son téléphone vibre, il l'ignore, laissant les messages de ses amis s'accumuler sans même les ouvrir.
Le seul réconfort, c'est qu'il a enfin le droit de dormir avec moi sans avoir à s'inquiéter du regard de ses parents. Veronica elle-même m'a remerciée pour être restée avec lui, ajoutant que sans mon soutien, Nathan n'aurait peut-être jamais osé leur parler de la vérité. Quant à elle et William, ils ont annulé la majorité de leurs rendez-vous et voyages pour les prochains mois, affirmant vouloir rester auprès de lui, comme pour réparer le temps perdu. Mais je sens que leur présence constante est surtout un acte de culpabilité, la prise de conscience brutale qu'ils étaient là sans être là, trop occupés par leurs responsabilités pour voir la souffrance de leur fils.
Aujourd'hui, je me promène seule avec Mozart, profitant d'un peu d'air frais tandis que Nathan a son rendez-vous de suivi en visio avec son psy. Ce dernier est en vacances hors de la ville, mais il a tenu à faire une exception pour Nathan, voyant bien l'urgence de la situation. J'inspire profondément en écoutant Mozart trotter gaiement à mes côtés, essayant de m'ancrer dans le moment présent malgré l'inquiétude sourde qui gronde au fond de moi.
Soudain, ma main tombe sur quelque chose dans ma poche. Une carte, légèrement froissée, que Monica m'a glissée il y a presque une semaine maintenant. Je la sors et observe une fois encore le nom imprimé en lettres noires : « John Callahan ».
C'est censé être l'homme qui pourrait m'aider à quitter le territoire, avant que les autorités ne s'intéressent de trop près aux danseuses du club. Monica m'a dit que c'était juste un homme fiable, que je n'avais rien à craindre.
Je fixe le nom une dernière fois, mon cœur battant plus vite alors que je glisse le pouce sur les chiffres imprimés. L'idée de partir, de fuir cette vie que j'ai dû construire de bric et de broc pour survivre, me terrifie autant qu'elle me soulage. Mais alors que j'imagine la voix de Nathan, son visage lorsqu'il s'abandonne à moi, je ressens un poids écrasant dans la poitrine. L'abandonner maintenant, au moment où il a besoin de moi, est impensable. Pourtant, cette carte représente ma seule chance de garder une longueur d'avance, de ne pas être prise au piège.
Prenant une profonde inspiration, j'attrape mon téléphone et compose le numéro. Le bruit des touches résonne dans le silence de la rue, et je porte le téléphone à mon oreille, le souffle court, en attendant une réponse.
Le téléphone sonne trois fois avant qu'une voix grave ne réponde.
— Allô ? dit l'homme au bout du fil, d'un ton sec.
Ma gorge se serre, et aucun mot ne franchit mes lèvres. Je déglutis, me reprends, et finis par murmurer un timide bonjour.
— Je suis... Riley Bennett, dis-je, la voix légèrement tremblante.
Un silence s'installe. L'homme répond d'une voix froide, indifférente.
— Ce nom ne me dit rien. Vous avez dû vous tromper de numéro.
Je sens la panique m'envahir et m'empresse de reprendre, avant qu'il ne raccroche.
— Non ! C'est Monica Vargas qui m'a donné votre numéro...
Il ne répond pas immédiatement. Un silence tendu s'installe, et pendant un instant, je me demande s'il a raccroché. Mais enfin, il parle, la voix encore plus dure.
— Qu'est-ce que vous voulez ?
Je ferme les yeux un instant, cherchant mes mots. Mon souffle est court, chaque phrase semble vouloir s'échapper en morceaux.
— Je... j'ai besoin de quitter le pays, murmuré-je. J'ai... fait quelque chose de terrible, et je...
— Stop, m'interrompt-il brusquement. Je ne veux rien savoir. Écoutez, si vous voulez sortir du territoire, vous me rejoindrez le mardi 2 janvier. Au point routier de Gateway, au 6e kilomètre de l'autoroute sud. 6 h 30 précises.
J'ouvre la bouche pour répondre, mais il enchaîne sans me laisser le temps.
— Je suis chauffeur routier. J'ai une cargaison à livrer à Valle Hermoso, dans le nord du Mexique. Ne soyez pas en retard.
Et sans un mot de plus, il raccroche, le silence de la ligne coupée me laissant figée sur place.
C'est officiel. Dans trois jours, je devrai tout quitter. Nathan, ses parents, nos amis, Luther, Monica, Mozart, papa... toutes ces personnes que j'aime, dont certains auxquelles je me suis attachée bien plus que je ne le voulais. Mes yeux se remplissent de larmes, et je me bats pour ne pas laisser éclater le chagrin qui s'amasse dans ma poitrine.
Je revois le visage de Nathan, l'inquiétude voilée dans ses yeux quand il pense que je ne le regarde pas, la manière dont il s'agrippe à moi la nuit comme si j'étais son seul point d'ancrage. Mon cœur se serre, et je peine à imaginer lui dire adieu, sans lui dire que s'éloigner de lui est la chose la plus difficile que j'aie jamais eu à faire.
La voix de Veronica résonne dans ma tête, ces mots qu'elle m'a dits il y a quelques jours.
Si vous êtes faits pour être ensemble, l'univers saura vous réunir. Peu importe où la vie vous mène, peu importe les épreuves. L'essentiel, c'est que vous restiez fidèles à vous-mêmes.
Je sais que partir est la seule solution pour ma sécurité, celle de Cléo, et même celle de Nathan. Mon passé m'a rattrapée, et les risques sont bien trop grands pour qu'il soit mêlé à tout ça. Le seul moyen de le protéger, c'est de disparaître, même si ça signifie perdre la seule personne qui a vraiment réussi à me faire croire que j'étais capable de construire quelque chose de vrai, d'ancré. La vie m'a appris qu'on ne pouvait pas tout garder ; parfois, il faut abandonner ce qui nous est cher pour le préserver.
Mozart aboie doucement, me ramenant à la réalité. Je resserre ma prise sur sa laisse, mes larmes menaçant toujours de couler, et reprends la marche, les pensées encore tourmentées par les adieux que je vais devoir affronter.
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The Midnight Girl
Любовные романыRiley fait de son mieux pour garder la tête hors de l'eau, mais sa vie prend un tournant dramatique lorsqu'un événement tragique la pousse à fuir. Désespérée, ne sachant vers qui se tourner, elle cherche refuge auprès de Nathan, un garçon aussi énig...