DESTIN SAUVAGE

CHAPITRE 1

Le soleil perçait à travers les rideaux fins de la petite chambre de Safiya, projetant des éclats dorés sur les murs crème. Elle s'étira lentement, sentant la chaleur du matin réchauffer sa peau sombre. Aujourd'hui encore, elle allait affronter une nouvelle journée de travail, entourée de collègues qu'elle appréciait à peine. Pourtant, Safiya n'était pas du genre à se laisser aller au découragement. Elle avait survécu à bien pire.

Née au Nigeria, elle était arrivée aux États-Unis avec sa famille lorsqu'elle n'était encore qu'une enfant. La guerre avait fait rage dans son pays d'origine, forçant ses parents à tout quitter pour leur offrir un avenir meilleur. Elle ne se souvenait pas des détails du voyage, mais elle se souvenait des promesses qu'elle avait faites à elle-même. Elle réussirait, quoi qu'il en coûte. Elle rendrait ses parents fiers.

Safiya se regardait dans le miroir de sa chambre, ajustant ses longs cheveux afro qu'elle avait enfin appris à aimer. Cela avait été un long chemin pour accepter son corps : ses formes généreuses, son ventre légèrement rebondi, ses hanches larges. Au lycée et au collège, elle avait souvent été la cible de moqueries à cause de son poids, mais aussi parce qu'elle était toujours la plus intelligente. Sa passion pour les chiffres et sa soif de connaissances l'avaient isolée des autres, et elle avait souffert. Pourtant, elle avait persévéré.

Aujourd'hui, elle était analyste financière dans l'une des plus grandes entreprises de la ville. Son travail consistait à jongler avec des chiffres complexes, et même si cela ne faisait pas rêver tout le monde, Safiya y excellait. Ce qui lui plaisait le plus, c'était cette sensation de contrôle que les chiffres lui donnaient. Ils étaient logiques, fiables. Contrairement aux gens.

Une sonnerie familière la ramena à la réalité. C'était sa mère. Toujours la première à l'appeler, à s'assurer que sa fille allait bien avant de commencer sa propre journée de travail.

— Bonjour maman, dit Safiya en décrochant, un sourire tendre sur les lèvres.

— Ma chérie, tu vas bien ? J'espère que tu as bien dormi. Tu sais, il fait très beau aujourd'hui, peut-être que tu pourrais sortir un peu après le travail ?

Sa mère, douce et aimante, était son roc. Elle travaille comme secrétaire dans une école primaire, un emploi modeste mais stable. Son père, lui, était chauffeur de taxi, travaillant de longues heures pour subvenir aux besoins de la famille. Safiya les aimait plus que tout, et son plus grand rêve était de leur offrir une vie meilleure, de leur montrer que leurs sacrifices n'avaient pas été vains.

— Oui, je vais bien, maman. Merci de t'inquiéter pour moi, comme toujours. Mais tu sais, j'ai beaucoup de travail aujourd'hui... Je sortirai peut-être ce week-end, promis. Mais elle lui  mentait, comme d'habitude.

Après quelques minutes à discuter des nouvelles de la famille, Safiya raccrocha, se sentant étrangement réconfortée. Peu importe les difficultés de la journée, elle savait que sa famille serait toujours là pour la soutenir.

Elle attrapa son sac et se dirigea vers la porte. Son appartement modeste dans le centre-ville reflétait sa personnalité : simple, ordonnée, avec quelques touches de couleurs africaines qui lui rappelaient ses origines. Un masque traditionnel ornait le mur du salon, un cadeau de son père lorsqu'ils avaient quitté le Nigeria.

En descendant les escaliers de son immeuble, elle sentit une légère nervosité s'installer en elle. Aujourd'hui, une réunion importante l'attendait au bureau, avec la visite du nouveau PDG, Nashoba Bly, un homme dont la réputation le précédait. On racontait qu'il était aussi mystérieux que séduisant, une figure charismatique qui attirait l'attention de tout le monde. Safiya n'était pas du genre à se laisser impressionner par les figures d'autorité, mais quelque chose dans l'air ce matin la rendait nerveuse. Peut-être était ce simplement l'importance de la réunion... ou peut-être était ce autre chose.