• 18 juin 1752
Notre époque change... Les pirates s'éteignent, les uns après les autres. Je ne suis qu'un rare survivant, fossile d'une autre espèce...
La marine royale se fait plus sévère.
Ils ont pendus Jack... ce cher, ce dévoué mousse, qui, par manque d'argent, et pour subvenir aux besoins de sa famille, était venu me voir...
Comme je regrette...
Le temps d'avant... je me souviens... c'était comme... un age d'or de la piraterie ; nous étions admirés, craints et adulés par les pauvres gentes.
Certains bravaient tous les interdits pour nous fournir en armes, poudre à canon, nourriture...
Le peuple, retourné contre nous par le pouvoir, nous déteste... bien sûr, quelques pirates se livrent à des atrocités sans nom ; mais nous ne sommes — n'étions pas tous comme ça !
En cette années, et celles à venir, il n'est pas bon d'être flibustier. Bien sûr, une vie de dangers, côtoyant au plus près la mort, n'était pas envisageable pour tous, mais la camaraderie, le code d'honneur pirate et l'appât du gain suffisait à beaucoup pour s'engager.
Mais une vie difficile, un pas d'attaches, la mort, partout, le sang... en valait-elle le coup ?
Me voilà qui semble regretter, à présent... en vérité, je ne sais pas.
Impossible de se ranger ; pirate, la vie et la mort. On ne naît pas pirate, mais on meurt en tant que tel. Comment accepter que son voisin ai dépouillé trente navires de guerre et qu'il soit aussi riche que Crésus ? Sans peine ? Alors qu'il a tué des centaines de corsaires ?
Comme je le disais, impossible.
Notre âge est à la nouveauté, et les pirates ne sont plus à la mode. A quoi s'intéresse le peuple ?
Sans nul doute au noir qui sert la maison des riches d'en face. Curiosité exotique.
Je me souviens d'un temps où j'éprouvais la même. Pardon à tous...
Je cautionnais, je l'abhorre à présent. Pour Zoël. Pour les autres, les inconnus, ceux qui remplissaient les cales et mouraient sous mes pieds.
Pourquoi une telle cruauté, d'homme à homme ? Dont je faisais partie et j'approuvais ? Qu'est ce qui m'a fait changé d'avis ?
Et voilà que je me pose des questions sans intérêt, dans le but de remplir ce carnet trop vide.
Yarez... tu me l'as offert, et je ne l'honore qu'a présent.
Oui, fair rare, je suis lettré. Tu m'as tout appris... Yarez, mon cher, mon tendre... et voilà que je pleure, à présent. Regarde ce que tu me fait !
Yarez... tu me manques...
La mort va-t-elle un jour bien vouloir de moi ?
Il ne me semble pas...
Pourquoi ?
• 19 juin 1752Je suis assis dans un recoin d'une vieille taverne. De la fenêtre, je vois le port. La fenêtre ouverte me procure brises agréable pour la saisons et senteurs de poisson. J'en ai vu d'autre, ce n'est pas ça qui va me faire défaillir comme le petit verdâtre là-bas.
Ah ! C'est une gamine.
Bien mignonne, elle se fait accaparer par les clients qui cherchent à se distraire. Sa candeur et son innocence distraient, il me semble.
Elle s'est enfuie. Un des clients semble avoir confondu cette taverne avec un bordel. La pauvre.
Je sais ce que tu me dirais, Yarez. Non, je n'irais pas la voir. Mes os sont fatigués, et je ne peux pas résoudre tous les malheurs du monde.
Je sais que tu sais ce qu'elle ressens.
Et voilà que je m'invente des discussions avec toi... discret fantôme qui plane au dessus de ma tête.
Je ne sais que faire. Mon bateau ? Détruit. Mon trésor ? Caché, loin de moi. Imagine, je pourrais me servir dedans.
Non, il est mieux là ou il est.
Alors, j'écris, comme si ma vie en dépendait. Mon poignet est fatigué, mes yeux usés. Peut-être, si elle sait écrire, ce dont je doute fort, que j'engagerai la gamine pour m'aider. Peut-être.
Cela te conviens, Yarez ? Évidemment, elle sera payée. Il me reste sans doute quelques pièces au fond de ma poche... ou pas. Bah, elle échappera au petit malingre qui la reluque depuis tout à l'heure...
Elle me fait de la peine. Je la hèle. Elle approche.• 20 juin 1752
Come promi, Yarez, jé pri soin dele. Ele ecri pour moi. Mé ele ecri male. Ona du boulo.
• 30 juin 1752
Elle s'amélior. Elle aprends très vite.
• 5 juillet 1752
C'est bon. Elle et très assidue. Elle note tout ce que je lui di. Par contre, elle ne sait pas lire, et ne connait que l'alfabet. Je lui dictai les lettre au début, mais elle peut presc faire san mon aide.
• 11 juillet 1752
Elle est malade. La gamine. Je réalise que je ne lui ai même pas demandé son prénom. La fièvre des marais ? Je suppose. Et je crois que je m'y suis attaché. Saleté de cœur !
Elle insiste de plus en plus pour que je raconte mon histoire.
"Les pirates font encore rêver", me dit-elle. Âneries.
Et pour me prouver le contraire, elle a rameuté une bande de gamins des rues pour m'écouter. Il viennent demain. Mais je ne peux pas ! En serais-je capable ? De vous décrire, Yarez, Zoël, les autres ? Morgane ? Myrona ?
Je me sens mal. Dévoiler... tout. Yarez, si je raconte tout, je vais en prison. Je suis exécuté. Mais je suis un pirate. Et un pirate n'a peur de rien, n'est ce pas ?• 12 juillet 1752
C'est Alizée qui écri. Alizée comme le vent qui souffle sur les Caraïbes. Le capitaine raconte son histoir.
Moi, je vai l'écrir. Parce qu'il est genti.
Et après, il corigera les fotes. Et après, comme sa, les enfants de mes enfants de mes enfants et ben ils saurons l'histoir du capitaine. Mais le capitaine a di que ecrir les histoir a JE, c'est pas bo. JE c'est fai pour être entendu, pas lu. Du coup je vai ecrir a IL, il a di que c'était mieu.
Et puis je lui metrai des pensées dans la tète. Sa va être rigol'eau.• ??? Juin 1752
Yarez, je l'ai fait. J'AI RÉUSSI. ET ILS ONT AIMÉ.
Et maintenant, lecteur anonyme qui tient mon carnet entre tes mains, ( tu es peut-être l'enfant de l'enfant de l'enfant d'Alizée ) voici le fruit de mon histoire, portée par la plume de ma merveilleuse scribe.
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L'épopée de Barbenfeu
AçãoC'est dans un taverne qu'il poussa son premier cri C'est sur la mer qu'il comprit le sens de sa vie Carnages et naufrages furent ses adages ; Quête du trésor éternelle, Futile rêve immortel. Evandre... Lamar... Barbenfeu... Trois noms pour un seul h...