Agatha Harkness - Le procès de la sorcière

Chapitre 19 - Sorcières !

1727

Salem

La ferme était silencieuse, plongée dans une obscurité dense. Les bruits de la nuit emplissaient l'air. Rio, allongée sur la paille, se laissait bercer par le doux souffle d'Agatha, endormie à ses côtés. Quelques mèches de cheveux sombres retombaient sur son visage, et Rio les écarta délicatement pour mieux l'observer sous le clair de lune qui baignait la grange. Elle aimait ces instants volés où elle pouvait la contempler sans réserve.

- « Agatha ? » chuchota-t-elle, espérant une réponse douce et somnolente. Mais seul la nuit lui répondit. Elle fronça les sourcils, tendit la main pour caresser la joue de sa compagne... et se figea. La peau d'Agatha était brûlante sous ses doigts. Le cœur de Rio se serra.

« Agatha, réveille-toi... » dit-elle, la voix légèrement tremblante, cherchant la bougie qui les avait éclairé toute la soirée.

Elle la secoua doucement sans aucune réaction de sa part. Elle essaya encore, cette fois plus vivement, ses gestes trahissant son inquiétude croissante. Mais Agatha demeurait inerte, le souffle peu à peu irrégulier, la peau couverte d'une fine pellicule de sueur.

Un sentiment de panique, qu'elle n'avait jamais ressenti auparavant, s'empara d'elle. Elle avait vu et accompagné des milliards de vies.

Elle connaissait chaque étape, chaque soupir, chaque dernier battement. Mais... c'était Agatha. Sa femme. Celle qui lui avait fait entrevoir une existence où elle n'était plus seulement la Mort, mais aussi quelqu'un qui pouvait aimer, quelqu'un qui pouvait ressentir.

Tandis que la respiration d'Agatha devenait laborieuse, presque douloureuse. Rio s'obligea à respirer lentement.

Elle savait ce qu'il fallait faire. Elle maîtrisait à la perfection le pouvoir des plantes. Mais pour Agatha...

Elle se leva, les mains tremblantes, et chercha dans son sac celles qu'elle savait utiles contre la fièvre. Elle broya des feuilles entre ses doigts, les mélangeant avec de l'eau fraîche trouvée dans les auges de bétail. Elle en fit une pâte qu'elle appliqua doucement sur le front d'Agatha.

Chaque geste semblait peser, chaque seconde étant une agonie. Elle s'en voulait, Agatha avait commencé à montrer des signes de faiblesse dès la veille. Elle n'avait pas voulu les voir, les attribuant à la fatigue du voyage et à l'humidité.

Mais même malade, Agatha n'avait jamais été vulnérable. Affrontant sans relâche chaque sorcière qu'elle traquait.

Les heures passèrent, mais rien ne changeait. Le visage d'Agatha restait rouge, brûlant. Son souffle à présent faible semblant se perdre.

Rio se mit à murmurer des paroles nourries de désespoir. Des paroles qu'elle n'avait jamais crues nécessaires.

Elle priait.

« Sauvez-la de moi-même, je vous en supplie.»

Elle s'agenouilla à ses côtés, son cœur battant lourdement. Était-ce là sa destinée ? Agatha, son Agatha, allait-elle s'éteindre sous ses yeux, emportée par la maladie comme tant d'autres ? Rio serra sa main, la tenant fermement, comme pour ancrer Agatha à la vie.

Elle sentait le poids de chaque seconde qui s'écoulait. Ce qu'elle souhaitait plus que tout, c'était que la fausse illusion de vie qu'elle était soit insufflée à sa bien-aimée.

« Je ne suis qu'un simulacre, fais-en une lumière et nourris-toi d'elle. »

Une larme roula le long de sa joue.

Rio murmura doucement, ses lèvres frôlant le front brûlant d'Agatha. « Si... Si elle existe. »

Elle ferma les yeux, enfouissant son visage contre le cou de sa compagne, bercée par la peur.