Chapitre 10

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-19 janvier-

Le pire c'est quand on se lève le matin sans réel but. Tout le monde doit avoir un but dans la vie, une cause qui nous motive chaque matin. Certaines personnes c'est par automatisme ou parce qu'elles n'ont pas le choix. Et c'est horrible de se dire qu'en fait on n'a rien à faire sur cette terre. Ça ne donne plus envie de se lever le matin ou de vivre.
Et moi, je n'ai plus de but dans la vie.
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Oui, je sais, c'est mal. Mais c'était impossible pour moi d'y retourner ! J'y suis allée avec toute la motivation possible, je le jure ! Pourtant, une fois devant le lycée, mes jambes ont fait demi-tour toute seule. Elles ne m'ont pas ramené à la maison mais à la mer. Je suis assise sur le sable depuis trois bonnes heures, ma mère m'a appelée une bonne quinzaine de fois me menaçant de passer un très mauvais quart d'heure et d'être punie de tout jusqu'à ma majorité si je ne rentrais pas à la maison et mon père m'a envoyé un unique message me disant très sympathiquement de rentrer. Ils en ont marre sur je sèche les cours et c'est compréhensible, est ce que si je leurs disait tout, ils me comprendraient enfin ? Je pense que je devrais leur dire. Ils m'aideraient certainement et tout irait bien mieux j'en suis sûre !
Je suis décidée, je leur dis tout ce soir, en attendant je profite et je ferme les yeux. On a quelques rayons de soleil cette semaine, alors autant en profiter un maximum après toutes ces journées grises et pluvieuses,. c'est peut être un signe de renouveau ? Mon dernier  espoir, je n'en aurai plus après, plus aucune solution si même mes parents ne me croient pas.
Prise d'une impulsion, je me lève et je me dirige vers la mer, je sais que je devrais enlever mes vêtements mais à cet instant ça me paraît la chose la moins importante à faire. Les vagues me lèchent les pieds et m'engloutissent au fur et à mesure que j'avance. Quand je n'es plus pied, je me laisse aller, je ferme les yeux et profite du vide, de la noirceur de ce monde où je ne peux utiliser aucun de mes sens. Je n'entends pas, je ne vois pas, je ne sens pas, le seule contact que j'ai c'est le toucher de l'eau qui m'emmène de plus en plus vers les profondeurs.
Je m'y sens bien, en sécurité, j'aime cette puissance et cette impuissance. J'aime le fait de n'être rien dans cette immense mer mais d'être en cette instant tout. Je suis seule dans ma bulle, seule au monde et cette solitude est d'une telle jouissance. Mes poumons me brûle mais paradoxalement je respire mieux ici que nul part ailleurs.

Voilà où j'en suis deux heures plus tard, encore mouillé du moins j'ai abandonné mon pantalon quelque part à côté, je suis sèche seule mes cheveux et mon tee short demeurent mouillés, je suis étalée sur un rocher, toujours au soleil jusqu'à l'apparition de gros nuages. Il se met à pleuvoir mais je reste là, le regard dans le vide, de toute manière je suis déjà trempé alors un peu plus d'eau ou un peu moins qu'elle est la différence ?
Je reste là perdue dans mes pensées, et forcément elles se dirigent vers les photos et surtout les commentaires. C'est d'ailleurs ce qui m'a toujours fait hésiter à dire tout ça à mes parents, j'avais peur qu'ils ne me croient pas surtout au vu du réalisme de la première photo, cette photo qui a gâché ma vie. Tout ça me fait penser à Antoine, j'ai honte de le dire mais j'ai été énervée contre lui au point de le lui dire dans un mail, je lui ai dis que je ne voulais plus jamais lui parler et que je le haïssais. J'en ai vraiment honte, je sais que ce n'est pas sa faute mais si il avait fait le choix de faire les choses normalement je n'aurais pas à subir tout ça ! Il aurait pu le dire aux autres ! Mais non ! Et c'est moi qui paye.
Je sais qu'il n'est déjà pas bien à cause du deuil et que c'est horrible de faire ça mais je n'en pouvais plus de ses mails , à noter que c'est même pas un message non c'est un foutu  MAIL. Et peu importe ce qu'il se passe c'est toujours à la même date, le même message et jamais aucune réponse comme si je parlais à un robot ! Depuis, je ne réponds plus à ses mails mensuels. De plus même si je le voulais je ne le pourrais pas. Car comment lui dire qu'on fait l'objet d'un "couple" trompeur, que je suis la pute et lui l'homme faible qui est parti loin car il n'assumait pas. Comment lui dire que mes principaux harceleurs sont nos meilleurs amis ? Comment lui dire que je me sens horriblement mal, humiliée, en colère mais surtout épuisé moralement ? Je ne le peux pas.
Mais ce que je peux faire c'est rester là, et je pense que je l'aurais fais si je ne tremblais pas comme une feuille, c'est d'ailleurs ce qui me sort de mes pensées noir, je tremble tellement que je dois m'y prendre à deux fois pour me relever, j'essaie de mettre mon pantalon mais difficile de le mettre en étant trempé jusqu'aux os et en tremblant excessivement. J'y arrive tout de même au bout d'une dizaine de minutes. J'essaie de frictionner mes bras que je commence à ne plus sentir tout en me dépêchant de trouver un abri étant à une trentaine de minutes à pied de chez moi. J'aurais pu les faire mais je suis lourde à cause de l'eau, je suis gelée au point de ne presque plus ressentir mes membres. Je trouve un bar bondé mais c'est mon seul espoir, j'y rentre et me dirige directement vers les toilettes. Sur mon chemin j'attire les regards, je n'y fais pas attention trop occupée à me faire un passage dans cette foule. J'entre dans les toilettes des femmes, elles sont vides, j'en profite pour enlever mes vêtements et les mettre a sécher sur les radiateurs, je ne suis qu'en sous-vêtements. J'essore mes cheveux et je les passe sous le sèche-main pendant dix minutes, il n'en faut pas plus pour que ça soit sec. Je prends le sopalin mis à disposition et je m'essuie jusqu'à être totalement sèche, je commence alors à essorer mes vêtements et à les sécher avec le sèche-main. Lorsque je me retourne, je tombe sur deux gars, ce qui n'est pas normal sachant que nous sommes dans les toilettes des filles. Ils me regardent avec envie ce qui m'oblige à me rappeler que je suis en sous vêtements, l'un s'approche, je me recule le plus possible mais j'atteins vite le mur, et je n'ai rien sur moi pour me défendre, il lèche sa lèvre tout en se dirigeant lentement sur la proie que je suis. Il m'atteint et juste avant qu'il ne me touche je me mets à hurler, mon dernier espoir, il met sa main sur ma bouche que j'essaie de mordre mais ça n'a aucun effet, j'essaie de me débattre mais son ami s'empresse de me tenir, ils me touchent de partout et j'ai envie de me replier sur moi-même pour pleurer, il commence à vouloir baisser ma culotte, augmentant mes cris et la montée de mes larmes, j'essaie d'écraser tout ce que je peux, je me débats mais rien n'y fait, ils sont beaucoup plus fort que moi. Alors dans un dernier espoir je recule ma tête et lui mets un énorme coup de boule m'assommant au passage, et dans un dernier élan de courage, je hurle encore plus fort que la première fois, j'ai le temps d'apercevoir la porte s'ouvrir avec fracas et des gens entrer en trombe avant de sombrer.
Mon inconscience fut courte, sûrement dû au choc, je suis allongée par terre, une cacophonie règne, c'est un bazar monumental, tout le monde se bat. Je me relève difficilement, remet mes vêtements secs et repars. Toute le monde est tellement concentré sur la bagarre que je me faufile discrètement et je pars loin en direction de la maison, le cœur lourd, la peur toujours encrée, j'ai faillis… J'ai faillis me faire violer, mon corps frissonne rien qu'en y repensant mais je me force à avancer. Je sens leurs doigts sur mon corps comme je sens ceux des élèves au lycée quand j'ai du faire le trajet en serviette et ça me dégoûte, je suis tellement dégoûtée de tout, d'eux et de moi-même. Je déteste mon corps, je me déteste, j'ai l'impression d'être hideuse, de ne pas être à moi, de ne pas m'appartenir. Les larmes coulent d'elles mêmes sur mes joues.

Je suis salie sans aucun moyen de me sentir propre à nouveau.

Ils m'ont tous détruite progressivement, ils ont tous détruit ma vie.

J'avance le plus vite possible et j'arrive vite également, avec toute cette adrénaline j'en oublie que j'ai séché les cours ce matin et que mes parents vont me passer un savon. Mais c'est trop tard quand je m'en rappelle, j'ai déjà ouvert la porte. J'avance prudemment vers le salon, si j'ai de la chance ils ne sont pas encore là. Malheureusement je n'ai jamais et je n'aurai jamais de chance. Ils sont assis dans le salon, ils m'attendaient.

Comme si cette journée n'avait pas déjà été assez longue et difficile. Je vais encore devoir écouter un sermon qui n'en finit pas. Quoi que, il est temps de changer tout ça, je me suis promise sur la plage toute à l'heure, de me laisser une dernière chance, de laisser une dernière chance à la vie. Il faut que je me lance
-papa, maman je dois vous avouer quelque chose de difficile mais j'espère que ça ira mieux après..
Je n'ai pas le temps de finir que mon père se lève d'un bon
-on en a ras le cul de tes histoires ! On en a marre que tu sèches les cours ! Tu veux devenir quoi ? Une SDF ? Tu nous fais honte !
-mais..
Mon monde s'arrête de tourner, on entend plus un bruit, je ne saurais dire ce qui pique le plus, ma joue ou mes larmes qui souhaitent s'échapper de mes yeux.

Mon père vient de me gifler. Je le regarde dans les yeux, il a l'air horrifié de ce qu'il vient de faire contrastant avec mon air calme, froid. Je regarde ma mère qui a l'air encore plus horrifié que mon père. Et je tourne les talons direction ma chambre, j'ai le temps de monter les marches des escaliers avant que ma mère ne crie sur mon père. J'entre dans ma chambre et ferme à clé, ma lame  m'attends pour passer une excellente nuit après.

Entre la vie et la mort Où les histoires vivent. Découvrez maintenant