Chapitre 49

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Le regret. C'était tout ce qui restait en elle, le seul sentiment qui persistait, gravé comme une marque indélébile. Chaque jour, la douleur et la torture devenaient plus insupportables, chaque instant de cette existence réduisait davantage ses forces, et pourtant, elle s'accrochait. Mais à quoi ? Son ancienne vie revenait en lambeaux dans son esprit, des souvenirs effacés qui lui laissaient un goût amer. Comment pourrait-elle ne pas la regretter ?

Phran, enfermée dans cette pièce sans fenêtres, sans évasion possible, était assiégée par la peur. Quand ce n'était pas son esprit qui l'assaillait de terreur, c'était l'Essens qui brûlait en elle, l'assaillant de souffrances invisibles, des tourments que personne d'autre ne pouvait voir. Depuis combien de temps était-elle là ? Des jours ? Des semaines ? Des mois ? Elle n'en avait plus aucune idée. Elle avait perdu tout repère temporel, tout lien avec une réalité qui semblait désormais appartenir à un autre monde, un monde où elle pouvait respirer librement.

Les souvenirs de ses éclats de rire, de ses sourires, semblaient s'effacer, comme un rêve lointain qui s'effrite au réveil. Elle n'arrivait même plus à se rappeler la dernière fois qu'elle avait ressenti une véritable joie. Tout s'était dissous dans cette prison mentale et physique. Les murs semblaient se refermer sur elle, s'imposant comme les seuls témoins de sa souffrance, muets, implacables.

Elle en venait même à regretter la vie d'avant, cette existence qu'elle avait tant maudite. L'aveuglement, finalement, lui semblait une bénédiction en comparaison de cette torture insensée. Elle ne savait plus où diriger sa colère — était-ce vers Aster, pour tout ce qu'il avait entraîné ? Vers elle-même, pour n'avoir pas su éviter cette situation ? Ou contre le monde entier, pour la cruauté aveugle qui l'avait enfermée ici ?

En vérité, même la colère lui échappait. Les émotions autrefois si vives n'étaient plus que des échos lointains, des ombres vacillantes dans son esprit. Ce qu'il lui restait, c'était ce vide béant et un regret insoutenable. Coupée du monde, isolée de toute vie, de toute rationalité, ses sentiments lui paraissaient flous, lointains. Elle n'était plus qu'un corps en souffrance, une âme égarée dans un labyrinthe sans fin.

Elle se souvenait, oui, de la dernière fois où elle avait ressenti autre chose que ce vide glacial : c'était avec Itani et Tom. Tom... Son nom résonnait dans son esprit comme une mélodie lointaine et douloureuse, chaque syllabe s'insinuant dans sa mémoire pour faire ressurgir un souvenir qu'elle n'arrivait ni à saisir pleinement, ni à effacer. La scène de sa mort revenait sans cesse, obsédante, à tel point qu'elle en oubliait presque les moments de vie partagés avec lui. Ce qui était le plus tragique, c'était que son esprit avait gravé avec une telle intensité l'image de sa disparition qu'elle en perdait les contours lumineux de qui il avait été, de chaque sourire, de chaque éclat de rire, qui semblaient désormais presque irréels.

Elle se sentait trahie par sa propre mémoire, qui la forçait à revivre la perte encore et encore, mais peinait à raviver la chaleur de ces moments heureux. Ce décalage entre l'intensité de son chagrin et le flou des souvenirs joyeux la broyait, l'enfermant davantage dans cette prison de regrets et de solitude.

Concernant Itani, Phran s'efforçait de ne pas penser à elle. Pourtant, son esprit semblait sans cesse vouloir s'accrocher aux souvenirs, cherchant un réconfort dans le passé. Il était ironique et cruel qu'elle ne réalise l'importance d'Itani que maintenant, alors qu'elle se trouvait piégée, privée de toute liberté, isolée de la moindre vérité. Est-elle vivante ? A-t-elle survécu ? Ces questions tournaient en boucle, et chaque instant d'incertitude était une nouvelle torture.

Je t'en supplie... qu'elle soit en vie, priait Phran silencieusement, une supplication désespérée lancée dans le vide. Dans cet enfer qu'elle endurait, la pensée qu'Itani soit là quelque part, toujours vivante, était la seule lumière capable d'illuminer l'obscurité.

Ostru: Fragments d'un Monde DéchuOù les histoires vivent. Découvrez maintenant