Layla
Je finis par rentrer à la maison, épuisée par cette première journée. Heureusement pour moi, Monsieur Boukhobza a eu la gentillesse de nous libérer après la réunion de présentation de l'équipe soignante, ce qui m'a permis de pouvoir éviter Chahine le reste de la matinée. J'en ai alors profité pour faire un petit tour à la bibliothèque et réviser. Même si je sais au fond de moi que je ne pourrai pas éternellement l'esquiver.
J'insère vivement ma clé dans la serrure de la porte d'entrée. Je franchis ensuite à peine le seuil que la voix stridente de ma mère, en provenance du salon, m'interrompt dans mon mouvement :
- Layla ? C'est toi ?
- Oui ! déclaré-je, euphorique à l'idée d'être pour une fois bien accueillie.
Cependant, la joie que je ressens n'est que de courte durée.
- Tu es bien passée faire les courses comme je te l'ai demandé ?
Mince.
Les courses.
Avec tout ce qui s'est passé, j'ai complètement oublié.
- Oh non, maman... lui rétorqué-je alors avec prudence. Je suis désolée, j'ai oublié !
- Quoi ?
Un silence pesant s'ensuit.
Je profite de ce moment de répit pour me déchausser et placer mes bottes en cuir dans la penderie, la gorge serrée. J'appréhende la réaction de ma mère. Parce que je sais que je viens de lui donner l'excuse parfaite pour passer ses nerfs sur moi. C'est ce qu'elle fait toujours, lorsqu'elle est en colère. M'insulter, m'humilier... Alors je me contente simplement d'encaisser. Encaisser tout en priant pour qu'un jour, elle se rende compte que la violence n'est pas toujours la solution aux problèmes. Surtout à ses problèmes. En même temps, qu'est-ce que je pourrais bien faire d'autre ?
Comme prévu, la seconde d'après, elle descend en furie de l'escalier en marbre pour me rejoindre. De ses prunelles couleur noix écarquillées, celles dont j'ai héritées, elle me scrute alors d'un air ahuri :
- Dis-moi que c'est une blague ! Je t'ai envoyé un message, Layla ! Un message !
Je lève les mains en l'air pour essayer de tempérer la situation :
- Je sais maman, je sais ! Je suis vraiment désolée, mais...
Elle ne me laisse pas le temps d'achever ma phrase qu'elle revient alors instantanément à la charge, haussant la voix cette fois :
- Mais je m'en fiche de tes excuses, Layla ! Je m'en fiche, tu entends ?
Elle passe sa main dans ses courts cheveux, couleur marron à l'origine, mais ayant tiré vers le gris avec l'âge, avant de lâcher un soupir d'exaspération :
- Bon sang, Layla ! Tu crois que ce sont tes excuses qui vont remplir le frigo, peut-être ?
- Non, bien sûr que non... tenté-je encore une fois d'apaiser.
Elle continue cependant de vociférer, me délivrant au passage un début de migraine absolument insupportable.
- Mais qu'est-ce que j'ai fait pour mériter ça ? Avoir une fille aussi inutile ! Idiote ! Imbécile !
Elle se met à énumérer toutes les insultes possibles et inimaginables en arabe, sa langue maternelle. Ma mère est originaire d'Algérie. Elle a effectué ses études à Constantine – des études de gestion et de comptabilité –, avant de rencontrer mon père en France et de s'installer à Paris, loin de sa famille. Je l'ai beaucoup admirée pour cette raison – et je l'admire toujours –, mais je crois qu'au fond, elle n'a jamais été heureuse dans ce choix qui n'a pas vraiment été le sien. Ce qui peut expliquer sa frustration. Et sa facilité à m'en vouloir dès que je déroge à la moindre de ses demandes. Même si ça ne justifie en rien le manque de respect dont elle fait preuve à mon égard.
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Heart Waves
RomanceLayla, une étudiante fraîchement admise en deuxième année de médecine, partage son temps libre entre ses cours à la faculté et ses responsabilités à la maison. Aux lourdes attentes de sa mère s'ajoutent d'autres problèmes familiaux qui rendent sa vi...