Camp militaire de Red Deer, mi juin, Alberta.
Assis sur l'un des bancs du réfectoire, Levi griffonne quelque chose sur son cahier. D'autres soldats sont attablés et attendent l'arrivée de de monsieur John., le professeur d'histoire engagé par le camp. Après son entraînement intensif, il y a quelques semaines, il a fait la tête. Il semble comprendre petit à petit qu'ici, ce n'est pas lui qui donne les ordres. Parfois, il se rattrape même de m'avoir tutoyé, après des mois à n'en avoir rien à faire. Je crois surtout qu'il commence à se lasser de me faire la misère. Je ne l'ai pas vu dans la salle d'entraînement les nuits dernières, il doit vraiment faire la tête. Je pourrais presque m'en vouloir. Je commençais à apprécier nos entraînements nocturnes.
Après l'avoir observé quelques instants, je m'approche de la table et m'assois en tailleur non loin de lui.
— Capitaine ? Qu'est-ce que vous faites là ?
— La même chose que vous.
— Il y a d'autres tables vous savez.
— C'est ici que je m'assois d'habitude.
— Pourtant c'est la première fois que je vous vois à un cours d'histoire.
— Peut-être parce que c'est la première fois que vous assistez à ce cours ?
— Comment pouvez-vous le savoir ?
— Vous avez tendance à oublier le pouvoir que j'ai ici Scarrow, je sais à quel cours vous êtes inscrit et à quel cours vous vous rendez. Heureusement pour vous, vous n'avez encore jamais séché. Être votre capitaine ne consiste pas seulement à vous en faire baver pendant les entraînements vous savez ?
— Je n'ai encore jamais vu cette facette de votre rôle, il serait peut-être temps, capitaine. lance-t-il sarcastiquement.
— Je ne suis pas certaine que vous le méritiez, soldat.
Notre concours de sarcasme est stoppé par l'entrée de monsieur John dans la grande salle. Il salue tous ceux déjà présents et pose ses affaires sur une table avant de commencer son cours.
— La dernière fois que nous nous sommes vus, nous nous sommes arrêtés aux Révolutions russes. J'avais commencé à vous expliquer comment le tsar Nicolas II, autocrate soutenu par la noblesse et le clergé orthodoxe, a fait entrer la Russie dans la guerre en 1914.
— Pourquoi avez-vous changé de cours ? Vous étiez en langue avant. je chuchote à Levi, curieuse.
— Parce que maintenant je sais parler. répond le noiraud d'un ton railleur. Je le juge du regard en retour avant qu'il ne soupire doucement.
— Et vous ?
— Et moi ?
— Pourquoi vous avez choisi l'histoire ?
— J'ai fait comme vous au début, j'ai commencé par étudier les langues. Puis j'ai essayé les mathématiques, mais je n'ai pas apprécié, alors je me suis inscrite en sciences. J'ai beaucoup aimé mais après plusieurs années on a fait le tour, alors j'ai changé pour l'histoire il y a deux ans.
— Vous devez être intelligente alors.
— Sûrement un peu.
Levi plonge ses yeux dans les miens, comme intrigué de ce qu'il pourrait y découvrir, seulement voilà, il détourne le regard lorsque je le soutient plus de quelques secondes. Il tente de se reconcentrer sur son cahier, mais ses yeux oscillent sans cesse entre les pages blanches, le professeur, et moi.
— Très vite la situation économique devient catastrophique et Lénine organise ce qu'on appelle le communisme de guerre. Il s'agit de la dictature politique et de la prise en main par l'État de toute l'activité économique, donc la production agricole est réquisitionnée. C'est un succès puisque les bolcheviks gagnent la guerre civile et reconquièrent les territoires perdus depuis 1919.
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Azurite
عاطفيةDans un monde où les ombres de la criminalité se dessinent à chaque coin de rue, Jane, capitaine dans l'organisation militaire secrète du Canada, navigue à travers les dangers de sa profession. Chaque mission est une danse délicate avec la mort, mai...