Chapitre 1

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« Si Noël était une émotion, ce serait la nausée mélangée à une envie irrésistible de frapper un lutin. »

Voilà la pensée terriblement drôle et grinçante qui traverse l'esprit d'Holly Kringle au moment où "Jingle Bells" version heavy metal lui explose dans les oreilles, et instantanément, Holly est projetée dans le passé. Non pas un flashback lointain, mais un souvenir précis, cuisant, datant d'il y a deux ans. 

Depuis tous les 1er décembre, son ex, ce crétin mélomane, avait eu la brillante idée de programmer cette version rock de "Jingle Bells" comme sonnerie de réveil. "Pour te mettre dans l'ambiance de Noël, mon sucre d'orge !" avait-il déclaré avec un sourire niais. Cela va donc faire 22 jours où Holly est à deux doigts d'exploser son téléphone tous les matins. 

L'ambiance de Noël ? Holly avait plutôt eu l'impression qu'un troupeau de rennes enragés faisait du breakdance dans son crâne. Et le pire, c'est que ce n'était pas une simple sonnerie ponctuelle. Non, monsieur avait pris un malin plaisir à la mettre en mode "réveil quotidien" jusqu'au 25 décembre. "Comme ça, tu ne pourras pas oublier la magie de Noël !" Magie ? Holly avait plutôt ressenti une envie grandissante de lui faire avaler des guirlandes lumineuses avec une boule de Noël en guise de chasse-chêne. Heureusement, leur relation n'avait pas survécu à cette torture auditive. Mais le traumatisme, lui, était resté.

Chaque 1er décembre, cette maudite sonnerie la ramenait à ce souvenir douloureux, comme une piqûre de rappel de son aversion profonde pour Noël. "Il faut absolument que je change cette sonnerie infernale", se dit-elle en serrant les dents, "avant que je ne finisse par détester jusqu'au son des cloches de traîneau."

« Noël », pense-t-elle en frissonnant de dégoût. Le mot seul lui donne des envies de meurtre et lui fait pousser des poils dans les oreilles. Un flashback traumatisant la frappe de plein fouet, comme une boule de neige en plomb lancée par un abominable homme des neiges.

Flashback. Réveillon de Noël. Holly, vêtue d'une robe rouge à paillettes (une tenue capable de provoquer un accident de la route), attend son petit ami. Il est en retard, mais elle espère une surprise romantique. Erreur fatale. Un biscuit en pain d'épices apparaît, porteur d'un message qui la hantera jusqu'à sa mort : « Tu es trop... Noël pour moi. »

« Trop Noël ». La phrase, aussi blessante qu'un coup de pied aux fesses avec une bûche de Noël congelée, lui a brisé le cœur et l'a transformée en reine des glaces de l'enfer festif. Depuis ce jour maudit, Holly a juré de mener une guerre sans merci contre Noël, avec ses chants sirupeux, ses décorations épileptiques et ses bonhommes de neige qui lui donnent envie de sortir la tronçonneuse. 

Elle se lève d'un bond, prête à affronter cette journée infernale avec la même énergie qu'un renne qui refuse de se laisser exploiter par un Père Noël esclavagiste. Un café noir extra-fort (son arme de destruction massive contre la « Jinglebellite » aiguë), une douche glaciale pour purifier son âme de toute trace de contamination festive, et la voilà prête à en découdre.

En sortant de son immeuble, Holly slalome entre des montagnes de paquets cadeaux qui lui donnent envie de hurler, esquive des passants affublés de bonnets de Père Noël plus ridicules les uns que les autres et subit les chants de Noël qui lui martèlent les tympans comme une horde de lutins percussionnistes sous amphétamines. « C'est l'enfer sur Terre, version guirlandes lumineuses et boules à facettes », pense-t-elle en serrant les dents.

Arrivée devant "Le Cercueil Ouvert", Holly sourit. Ce nom, qu'elle avait elle-même choisi lorsqu'elle avait racheté la librairie il y a cinq ans, lui procurait toujours une petite satisfaction perverse. Située au cœur du Greenwich Village, à New York, loin des grandes avenues commerciales et de leur overdose de chants de Noël, la librairie était un havre de paix pour les amateurs de littérature noire et de récits macabres. Poussant la lourde porte en bois sombre, Holly laissa derrière elle le tintamarre festif de la rue pour entrer dans un univers feutré et mystérieux. L'odeur du papier ancien et de l'encre se mêlait à celle du café fraîchement moulu, créant une atmosphère unique et réconfortante. Des étagères en bois massif, chargées jusqu'à la cime de livres aux couvertures sombres et intrigantes, s'étendaient à perte de vue. Des crânes décoratifs, des affiches de films d'horreur vintage et des gravures anatomiques macabres ornaient les murs, ajoutant une touche d'humour noir à l'ambiance générale.

Un Noël explosif chez les KringleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant