Chapitre 68 : Nathan

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Je m'éloigne du groupe, mes pas lourds sur le sable humide, chaque battement de cœur résonnant douloureusement dans ma poitrine. Le froid mord à travers mon pull, mais je ne le sens presque pas. Mon esprit est pris dans un tourbillon, revoyant les visages, entendant les mots de Riley. Ses aveux dans les toilettes, puis son discours sur la plage... Je secoue la tête, refusant d'accepter cette réalité absurde. Riley est tout ce que j'ai jamais voulu, celle que j'ai attendue sans même le savoir, et l'univers s'apprête à me l'arracher.

Je m'approche des rochers et me penche pour attraper quelques pierres. Je les lance, une à une, dans l'eau noire devant moi. La surface se brise en éclaboussures sourdes, puis revient au calme, indifférente. J'ai envie de hurler jusqu'à en perdre la voix, de crier à quel point tout cela est injuste. Elle m'a appris à aimer, m'a montré qu'on pouvait être soi-même sans avoir à se cacher, et maintenant elle va disparaître, me laissant seul avec ce vide qu'elle remplit depuis le début. Mais je reste silencieux, me forçant à rester calme, même si mes yeux me brûlent.

Derrière moi, j'entends des pas approcher, légers sur le sable. Je reconnais immédiatement la démarche sans même avoir besoin de me retourner. C'est Brody. Il s'approche et, sans un mot, s'installe à côté de moi. Il se penche pour ramasser quelques pierres, puis se met à les lancer dans l'eau, m'imitant en silence.

Je me surprends à penser qu'un Brody aussi silencieux est presque étrange. Il n'est pas du genre à rester silencieux, mais ce soir, il semble chercher comment en parler sans me pousser davantage vers le fond. Finalement, il prend une profonde inspiration, et brise le silence.

— Écoute, Nate, je sais pas exactement ce qui se passe entre toi et Riley, ni pourquoi elle doit subitement quitter la ville, et... je suis pas là pour comprendre, dit-il doucement. Mais, mec...

Il marque une pause, jetant un caillou dans l'eau et observant les rides qui s'étendent à la surface. Il inspire, puis reprend, sa voix plus assurée, comme s'il cherchait à me transmettre quelque chose de vital.

— Mais à ta place, si c'était l'une de mes dernières soirées avec la fille dont je suis fou amoureux, je la passerais pas seul, ici, à faire des ricochets et broyer du noir. Je la passerais avec elle, complètement, à fond. J'essaierais de me rappeler chaque seconde, chaque rire, chaque foutu sourire. Parce que je préférerais encore me torturer avec la douleur d'un bon souvenir que de rester là à ruminer un regret.

Ses mots me frappent avec une intensité inattendue. Je prends une profonde inspiration, tentant de rire pour masquer le poids que ses paroles viennent de faire peser sur moi.

— Depuis quand t'es devenu aussi romantique ? réussi-je à plaisanter, même si ma voix est un peu brisée.

Il rit, secouant la tête, comme s'il lui fallait admettre une réalité qu'il n'a jamais osé dire à voix haute.

— Depuis que j'ai vu mon meilleur pote devenir accro à une fille pour la première fois de sa vie, admet-il, un sourire nostalgique étirant ses lèvres. Je pensais jamais te voir dans cet état, tu sais ? À te prendre la tête, à remettre tout en question pour elle.

Je laisse échapper un petit rire, mais le son meurt vite, étouffé par la douleur qui revient, implacable. Je regarde l'horizon, sentant mes épaules s'affaisser sous le poids de la réalité.

— Brody... je suis juste... terrifié, murmuré-je, la voix rauque. Terrifié à l'idée de devoir lui dire adieu. Rester près d'elle comme si de rien n'était, c'est... c'est comme s'infliger une torture. Chaque seconde que je passe avec elle est une seconde que je vais perdre, et ça rend tout plus insupportable. Elle sera bientôt... partie. Définitivement.

Brody secoue la tête, comme s'il n'arrivait pas à comprendre pourquoi je me torture à ce point.

— Nate, justement, c'est pour ça que tu devrais être là, avec elle. Elle est encore là, tu comprends ? Elle est là maintenant, pas demain, pas dans une semaine, mais ce soir. Ce moment que t'as avec elle, il existe pas ailleurs que maintenant. Tu sais pas de quoi demain sera fait. Moi non plus, d'ailleurs, et j'ai pas besoin de savoir pour comprendre ça.

The Midnight GirlOù les histoires vivent. Découvrez maintenant