CHAPITRE 4 - Ton minimum, leurs maximum.

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3 mois plus tard


La séance photo se poursuit, et je fais de mon mieux pour masquer mon malaise sous un masque de professionnalisme. Le cuir est beaucoup trop serré, chaque mouvement semble être une lutte contre la matière, mais je tiens bon. C'est ça, mon métier. Même si chaque fibre de ce costume me fait me sentir comme une marionnette, une partie de moi se force à rester immobile, contrôlée. C'est la seule manière de rester dans le jeu, même quand tout ce que je veux, c'est m'enfuir.

JJ, toujours aussi impassible, observe chaque mouvement depuis l'entrée, les bras croisés, les yeux calculateurs. Ce n'est plus un simple garde du corps ou un employé. Il fait partie de ce décor auquel je suis attachée malgré moi. Je suis comme une pièce dans son tableau.

La pensée de Yan me traverse l'esprit, et je dois l'extirper immédiatement. Le coma. Pas de progrès, pas de réponses. Et pourtant, chaque jour qui passe, l'espoir s'éloigne un peu plus. S'il se réveille... s'il se réveille jamais.

Et son agresseur introuvable selon Suzanne, pour Alec Blake, reste un spectre invisible. Disparu. Son nom même m'oppresse. Si seulement il n'avait pas eu ce pouvoir, cette emprise sur tout et tout le monde. Mais il est là, quelque part, en dehors de ma portée, comme une ombre qui refuse de s'éloigner.

Quant à Suzanne, elle est là, sous le même toit que moi, mais il y a quelque chose de glacé dans notre relation désormais. Elle fait partie de ce monde aussi.

Mais malgré tout, je ne peux m'empêcher de la juger.

Elle a choisi son camp. Le sien. Elle n'est pas vraiment mon alliée. Ni ici, ni ailleurs. Nous sommes toutes les deux des prisonnières, mais elle a fait le choix de ne pas chercher la sortie.

Je la déteste pas encore, et pourtant, je la comprends.

Pourtant, malgré tout ça, je suis toujours là.

Chaque matin, je me réveille dans cette maison, entourée de luxe et d'ombres.

Captive, mais libre dans ma tête. C'est ce qui me sauve, de toute façon, ma tête.

Le temps passe, et je m'habitue à tout. À la surveillance constante, aux règles silencieuses qui régissent cet endroit. Pas de révolte, pas de mouvement brusque.

Sinon, je serais punie, dans une forme ou une autre.

Suzanne me rend parfois visite dans ma chambre, mais elle ne parle plus de me sortir d'ici. Elle a accepté le statu. Et moi ?
J'ai d'une manière ou d'une autre accepté de jouer le rôle qu'Alec m'a donné. Je suis sa captive. Mais à quel prix ?

La vérité, c'est que je m'y suis faite.

Je m'y suis habituée.

Chaque mouvement devient plus fluide, comme une danse. Un jour je suis la femme captive, un autre, je suis celle qui sait exactement quoi dire et quand le dire pour survivre. Survivre à lui, à eux, à ce monde.

Je crois que j'ai perdu la notion du temps. Je me réveille, je travaille, je rentre dans ma chambre. C'est une boucle infinie.

Et Alec, lui qui me garde prisonnière. Il reste une figure de menace, mais quelque chose a changé. Peut-être est-ce ma résignation, peut-être est-ce moi qui suis devenue un peu comme lui, fatiguée de courir après quelque chose que je ne pourrai jamais atteindre.

Je lève les yeux vers JJ, qui est toujours là, en observateur silencieux. Il me scrute d'un regard indéchiffrable, comme s'il attendait que je fasse quelque chose. Mais je ne suis plus celle que j'étais. Je ne suis plus l'Elisabeth de la liberté, celle qui défiait tout ce qui se dressait devant elle. Non, je suis une autre version d'elle. La version qui a appris à survivre.

HEAVEN • DarkromanceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant