Chats

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Comme une évidence, il m'a retrouvée. Bien que l'objet de son expédition nocturne soit à mes côtés, je ne peux empêcher mon esprit d'associer ses mots essoufflés à ma personne et cette pensée fait redoubler les battements de mon naïf organe. Les talons carrés de Réna claquent les pavés à mesure qu'elle engloutit la distance qui les sépare, laissant dans son sillage un parfum de pur regret. Elle s'élance dans les bras de son aîné qui réceptionne son buste en plein élan en une embrassade affectueuse. La jeune fille est soulevée du sol, ses chaussures ne lui étant d'aucune utilité pour combler les nombreux centimètres qui la sépare de son frère. Avec tendresse il lisse sa crinière dans des mouvements lents, maitrisés, afin de cajoler sa sœur qui sanglote désormais, la tête enfouie sous l'arc de sa mâchoire. Elle articule des excuses entrecoupées de sanglots, auxquelles il répond par des hochements de tête compréhensifs. Sans irritation, il lui murmure de se taire, tentant vainement de calmer ses soubresauts.

Cette scène d'une infinie tendresse fraternelle, m'émeut et m'entraîne en direction des cagettes abandonnées, pour m'y installer et leur laisser l'intimité nécessaire. Mes orteils frigorifiés hurlent au soulagement alors que je me recroqueville et m'enveloppe du tissu crasseux pour ranimer mes extrémités. Une pointe de jalousie malvenue, sinue lentement dans mon organisme et vient étreindre douloureusement ma poitrine. Les seules effusions d'amour que je n'ai jamais reçues venaient de ma mère et là encore les souvenirs sont tellement abstraits que j'en viens à me questionner sur leur authenticité. Pour ce que j'en sais, mon esprit altéré aurait tout aussi bien pu les créer afin de préserver un semblant d'équilibre à mon âme. D'aussi loin que je m'en souvienne, seul Oberon a su combler cette lacune affective, tel le frère acquis durement à travers les mésaventures, avec beaucoup de temps et d'acharnement. Sauf que dans les mœurs, on ne couche pas avec son frère et la comparaison me fait secouer la tête d'écoeurement.

A l'écart sur mon assise de fortune, je chasse vigoureusement cette émotion qui n'a pas lieu d'être et repose ma tête en arrière, sur la pierre froide, baignée par un faible faisceau lunaire. Mes sens sont emportés par les bruits inhérents à la vie citadine et mon odorat est assailli par les relents infects qui émanent de mes vêtements, me forçant à respirer bruyamment par la bouche.

- Êtes-vous malade ?

Lorsque je me redresse, le bois abimé craque dangereusement sous la manœuvre et je me décide à mettre pieds à terre affrontant au passage l'étude silencieuse du nouveau venu.

Sa question me prend au dépourvu. Je ne sais s'il questionne le lamentable état de mon esprit où s'il décèle en moi un signe d'indisposition.

- Je vais bien, merci de vous en soucier. Avez vous déjà reperdu votre sœur interrogé-je en scrutant l'étroite ruelle seulement perturbée par nos deux silhouettes qui se font face.

- Au cas où vous ne l'aviez pas remarqué, mon frère était avec moi. Il se charge actuellement de ramener Réna au château et de prévenir les soldats de sa découverte.

Trop captivée par leurs retrouvailles touchantes, je n'avais pas remarqué la présence de Finck, à qui j'ai étrangement faussé compagnie. Heureuse de son absence, je ne doute pas qu'il aurait commenté mon odeur corporelle, plutôt prononcée. Celle-ci semble ne pas incommoder mon interlocuteur, dont le visage impeccable ne montre aucun signe de répulsion.

- Nous devrions y retourner. J'ai le regret de vous annoncer que le repas de ce soir est exceptionnellement annulé.

« Oh, quel dommage, » murmuré-je un peu trop fort, trahissant mon soulagement.

Lorsque je lève les yeux vers son visage, un sourire moqueur me fait face et mon cœur bat un peu plus fort.

Cette expression évoque des souvenirs de notre première rencontre dans la salle du trône, lorsque son regard de braise était encore caché à la vue de tous. Depuis son flegmatique masque princier n'a eu de cesse de défier le mien, aussi glaciale qu'une neige en plein liquéfaction. La courbure de ses lèvres pulpeuses souligne l'angle lisse de l'arc de sa mâchoire, mon visage pivotant légèrement, fasciné par le mouvement de cette portion de peau. Son bras tendu devant moi me tire de mes rêveries, m'invitant à quitter notre refuge. Tandis que je me reproche d'avoir succombé à cette contemplation indécente, mes pas s'arrêtent net quand il saisit délicatement mon poignet pour le poser sur son avant-bras couvert.

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⏰ Dernière mise à jour : Nov 11 ⏰

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Ombre solitaire : une vie de mensonges.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant