Chaîne du désir

Le départ

Vika n'avait jamais imaginé que sa vie prendrait cette tournure. Après des années de doutes et de remises en question, elle avait décidé de tout quitter. Paris, ses souvenirs, sa famille, tout. Elle n'était pas encore thérapeute. Non, ce n'était pas sa réalité encore. Mais elle s'était promise à elle-même de trouver sa voie, d'aider ceux qui, comme elle, se sentaient parfois coincés entre deux mondes.

La Normandie semblait être le point de départ idéal. Une petite ville calme, loin du tumulte de Paris, là où elle pourrait se reconstruire. Elle s'était donc installée dans un petit appartement dans un village tranquille, un endroit qu'elle espérait propice à son rétablissement personnel. En attendant de commencer une formation de thérapeute, vika voulait simplement respirer. Mais comment trouver la paix lorsqu'on porte des blessures invisibles ?

Après quelques jours d'installation, vika se sentit assez à l'aise pour sortir, prendre un peu l'air. Les journées étaient fraîches, un peu brumeuses, typiques du printemps normand. En marchant dans les rues pavées, elle aperçut une petite librairie au coin de la rue. L'odeur de papier et de bois la toucha immédiatement. Vika avait toujours adoré les librairies, ces lieux où le temps semblait s'arrêter. Elle décida d'y entrer, sans même savoir pourquoi. Peut-être une manière de se perdre dans les pages d'un livre pour fuir les pensées qui l'assaillaient.

À l'intérieur, la lumière était tamisée. Les rayons étaient remplis de livres de toutes sortes. Elle se dirigea instinctivement vers les étagères qui semblaient avoir une âme propre. Elle effleura les couvertures, choisissant quelques ouvrages au hasard, tout en appréciant ce calme.

C'est alors qu'elle remarqua quelqu'un derrière le comptoir. Un garçon, probablement de son âge, les cheveux bruns légèrement éparse et un regard perçant qui semblaient presque la sonder. Il la regarda sans rien dire pendant un moment, puis s'approcha d'un pas lent, presque mesuré.

Bonjour, dit-il, sa voix douce, mais assurée. Je m'appelle Damien Si vous cherchez quelque chose en particulier, je peux vous conseiller.

Vika leva les yeux, surprise par la simplicité de son approche. Il y avait quelque chose dans ses yeux, une lueur d'intensité. Elle s'arrêta un instant, comme si elle avait ressenti un appel silencieux.

"Non, juste... je regarde," répondit-elle, avec un sourire timide. Elle se détourna, observant les livres. Mais quelque chose l'intriguait chez ce garçon. Il avait une manière d'observer les gens, d'une façon presque trop attentive, trop pénétrante.

Damien ne s'éloigna pas tout de suite. Il se tint là, un peu à l'écart, mais son regard restait fixé sur elle. Un silence pesant s'installa entre eux, comme si une conversation invisible se déroulait. vika sentit son cœur battre plus vite, un mélange étrange d'inconfort et de curiosité.

Elle prit un livre au hasard, feuilleta les pages sans vraiment les lire, cherchant une excuse pour ne pas croiser son regard. Mais elle le savait, il la regardait toujours.

Vous êtes nouvelle ici, non ?demanda Damien sa voix brisant le silence comme une note trop aiguë dans une mélodie douce.

Elle hésita avant de répondre, toujours un peu sur la défensive. Oui, je viens d'arriver, dit-elle simplement. Je cherche... quelque chose de calme. C'est difficile à expliquer.

Damien s'approcha d'un pas. Difficile à expliquer ?répéta-t-il, avec un léger sourire qui ne semblait pas tout à fait sincère, mais plus mystérieux. Est-ce que vous fuyez quelque chose ? Ou est-ce simplement la recherche de la paix ?

Elle le fixa un instant, frappée par la profondeur de sa question. Il n'avait pas l'air d'être juste un simple libraire. Il y avait quelque chose de plus, quelque chose d'invisible mais palpable qui flottait autour de lui.

Peut-être un peu des deux,répondit-elle enfin, le regard fuyant. Un nouveau départ, vous savez ?

Damien l'observa, son sourire s'élargissant légèrement, mais il n'en dit rien. Il semblait attendre, attentif à chaque mot qu'elle prononçait. Vika se sentit soudainement vulnérable, comme si ce garçon pouvait voir au-delà de ses mots, lire dans ses silences.

Vous savez,commença-t-il lentement, parfois un nouveau départ n'est qu'une illusion. On change de lieu, on change de nom, mais à l'intérieur... on est toujours nous-mêmes.

Vika s'arrêta un instant, un frisson courant le long de son échine. Comment pouvait-il savoir ? Ses propres pensées se bousculaient dans sa tête. Peut-être qu'elle était juste fatiguée, trop sensible, mais il y avait quelque chose dans ses paroles qui la perturbait.

Et vous ? répondit-elle, essayant de détourner la conversation. Vous devez bien avoir une histoire, un chemin à parcourir.

Damien la regarda longuement, une étincelle d'amusement dans ses yeux. Mon histoire est là,dit-il en désignant la librairie autour de lui. Les livres sont mes compagnons, mes confidents. Mais parfois, il y a des histoires qu'on ne veut pas raconter.

Vika le dévisagea, se sentant encore plus intriguée, mais aussi un peu mal à l'aise. Il y avait quelque chose de tellement complexe dans son regard. Comme s'il comprenait des choses sans avoir besoin de les dire. C'était comme si chaque mot qu'il prononçait portait un poids, un mystère.

Un silence lourd s'installa entre eux, un silence qu'aucun des deux ne semblait vouloir briser. Puis Damien fit un pas en avant.

Vous avez un nom ?demanda-t-il finalement, sa voix douce, mais insistante. Je vous ai donné le mien...

Vika hésita un instant. Elle n'était pas habituée à partager son nom aussi facilement, surtout pas avec quelqu'un qu'elle venait tout juste de rencontrer. Mais quelque chose dans son regard, dans son calme, la poussa à le faire.

Vika,dit-elle presque en chuchotant. Je m'appelle vika .

Damien sembla satisfait de cette réponse, mais il ne s'éloigna pas. Il la regarda un moment, comme si il avait vu quelque chose qu'elle n'était pas encore prête à admettre. Vika ,répéta-t-il, un sourire mystérieux sur les lèvres. Un prénom qui vous va bien. Mais vous savez, chaque histoire a deux côtés.

Vika le regarda une dernière fois, une sensation étrange dans la poitrine. Peut-être était-ce ce qu'elle cherchait ici, dans ce village isolé. Peut-être que les réponses étaient plus proches qu'elle ne le pensait, mais qu'elle ne voulait pas encore les entendre.

Je dois y aller,dit-elle finalement, rompant le silence pesant. Merci pour la conversation.

De rien,répondit Damien. Je vous souhaite de trouver ce que vous cherchez."

Elle se tourna et sortit de la librairie, le cœur battant plus fort que jamais. Elle savait qu'elle venait de croiser quelqu'un qui, d'une manière ou d'une autre, serait important dans cette nouvelle vie qu'elle avait commencé à construire. Mais pour l'instant, elle devait encore se retrouver elle-même. Le voyage ne faisait que commencer.