Chapitre 54

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Chaque fissure, chaque éraflure sur les murs blancs de sa cellule étaient gravées dans son esprit. Aster les connaissait par cœur, comme une carte tracée par l'ennui et la colère. Les rares heures où il trouvait le sommeil, ce mur s'infiltrait dans ses rêves, impassible, inchangeable, jusqu'à ce qu'il puisse presque sentir sa froideur sous ses doigts. Il ne s'évadait plus ; il vivait là, captif, mais aussi observateur, comptant chaque jour par le souvenir de ce cheminement quotidien qui lui offrait la seule mesure du temps.

Aujourd'hui marquait un mois, un mois entier enfermé ici, à l'abri de toute lumière naturelle, sous le joug de cet homme qui avait fait de lui un prisonnier. Huges. Rien que le nom déclenchait en lui une vague de répulsion, une nausée brûlante qui lui nouait l'estomac. Une nausée alimentée par une rage sourde, un désir viscéral de le voir souffrir. Chaque fibre de son corps voulait sa vengeance, voulait lui faire payer cette captivité insensée. Mais son esprit, contre toute attente, restait d'un calme glacial.

Il savait qu'il ne pouvait pas se laisser submerger par la haine. La colère pure était un luxe qu'il ne pouvait pas se permettre. Sa survie dépendait de sa capacité à attendre, à observer, à se maîtriser. Alors il contenait cette fureur qui grondait en lui, l'étouffant dans un coin de son esprit comme une braise en sommeil. Car il avait appris que la patience était sa plus grande arme. Il se répétait chaque jour que le moment viendrait, que sa vengeance aurait un sens, qu'il frapperait au moment où Huges baisserait enfin sa garde.

Les premiers jours, il s'était battu, chaque tentative de résistance le plongeant un peu plus dans la douleur, jusqu'à ce qu'il comprenne qu'il ne faisait que gaspiller l'énergie précieuse dont il avait cruellement besoin pour survivre. Maintenant, il se contentait d'observer, ses yeux scrutant chaque coin de cette prison dans l'espoir de déceler un indice, une faille, un passage vers la liberté.

Ses pensées tournaient inlassablement autour des mêmes visages, comme des échos silencieux qui l'accompagnaient dans son isolement. Mia, sa sœur, qu'il imaginait rongée d'inquiétude. John, sur qui il avait toujours compté, que pensait-il maintenant qu'il avait fui ou failli à sa mission ? Son père... qu'aurait-il dit en le voyant ici, captif et impuissant ? Cette honte d'avoir été piégé lui nouait l'estomac.

Puis il y avait Phran. Cette pensée s'enfonçait en lui, inébranlable, aussi vive qu'une lame glacée. Était-elle encore en vie ? Cette question hantait son esprit, résonnait dans son cœur avec une insistance brûlante. Il devait la retrouver, la sauver. Mais pour l'instant, c'était lui qui devait se libérer, lui qui devait trouver le moyen de franchir les murs de cette prison. Il savait qu'il ne pouvait sauver personne tant qu'il ne se sauvait pas lui-même, et cette réalité, aussi amère soit-elle, lui donnait la force de résister, d'attendre, d'affûter chaque instant pour le jour où il pourrait agir.

C'était devenu un rituel, une mécanique implacable. Chaque jour, il entendait la porte grincer et claquer avec une lourdeur sinistre, les pleurs étouffés d'un autre prisonnier se mêlant au silence glacé du couloir. Puis venaient les mêmes visages épuisés, ceux des scientifiques au regard vide et aux gestes automatiques. Ils s'approchaient de lui, leur souffle mêlé de lassitude et d'indifférence, le saisissaient brutalement par le bras et le traînaient, chaque mouvement empreint d'une violence banalisée. C'était la même scène, le même enchaînement de gestes qui, paradoxalement, rythmaient les jours sans repères.

Mais aujourd'hui, quelque chose était différent. Une tension nouvelle flottait dans l'air, comme une promesse obscure. Aster le ressentit, cette subtile modification dans leur démarche, ce quelque chose d'inhabituel dans la façon dont ils l'empoignèrent. Une lueur d'inquiétude ou d'excitation qu'il perçut brièvement dans le regard de l'un des scientifiques, un éclat qui le mit sur ses gardes.

Ostru: Fragments d'un Monde DéchuOù les histoires vivent. Découvrez maintenant