Chapitre 4 : Sous la surface des ombres

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(POV Élias)

Je me tenais là, trempée jusqu'aux os, défiant son avertissement comme si je cherchais à prouver quelque chose. À moi ou à elle-même ? Je n'étais pas sûr. Mais je savais que j'aurais dû lui fermer la porte au nez.

— Tu n'aurais pas dû venir, répétai-je, mon ton plus sec que je ne l'avais voulu.

Elle ne bougea pas. Pas un seul pas en arrière, pas un seul geste d'hésitation. Ses yeux brillaient d'une détermination obstinée, même dans la faible lumière de la lampe à pétrole.

— J'ai besoin de savoir, Élias, murmura-t-elle.

Mon prénom sur ses lèvres me fit l'effet d'un coup de fouet. Peu de gens m'appelaient par mon prénom, et quand ils le faisaient, c'était généralement pour une raison que je préférais oublier.

— Ce que tu as besoin de savoir ne te sauvera pas, lâchai-je en m'écartant, laissant la porte ouverte derrière moi.

Elle hésita une seconde avant d'entrer, serrant les pans de son manteau autour d'elle. Je refermai la porte d'un geste brusque, me maudissant déjà d'avoir cédé.

La cabane n'offrait rien de chaleureux. Une pièce unique, à peine meublée, et un froid qui s'infiltrait malgré le poêle faiblement allumé dans un coin. Anaïs observa les lieux en silence, comme si chaque détail lui révélait une partie de l'homme qu'elle avait en face d'elle.

— Alors ? demandai-je en croisant les bras, son regard fixé sur elle. Qu'est-ce que tu veux ?

Elle leva les yeux vers moi, cette fois avec moins de défi et plus d'honnêteté.

— Pourquoi êtes-vous ici ? Vous ne ressemblez pas aux gens d'ici. Vous... vous portez quelque chose. Comme un poids.

J'éclatai d'un rire amer.

— Comme tout le monde, non ?

— Non, répondit-elle simplement. Pas comme ça.

Son regard ne me lâchait pas, comme si elle essayait de voir au-delà des murs que j'avais passés des années à ériger.

Merde. Pourquoi elle insiste ?

Je soupirai, passant une main sur mon visage. Je savais qu'elle n'allait pas partir tant que je ne dirais rien. Peut-être qu'une once de vérité suffirait à la repousser.

— Je suis ici pour disparaître, dis-je enfin, ma voix basse.

Elle haussa un sourcil.

— Disparaître ?

— Oui. Une ville comme celle-ci, personne ne pose de questions. Les gens vivent leur vie, et ils oublient ce qui ne les concerne pas.

Anaïs secoua la tête, son regard se durcissant.

— Vous croyez vraiment que c'est aussi simple ? Que vous pouvez juste vous cacher ?

— Pourquoi tu t'en soucies ? rétorquai-je, le ton plus tranchant.

Un silence lourd s'installa entre nous. Anaïs détourna légèrement le regard, mais elle resta ferme.

— Parce que je connais ce sentiment, murmura-t-elle.

Cette réponse me prit au dépourvu. Pendant une fraction de seconde, je vis quelque chose dans ses yeux : une ombre familière, une douleur que je reconnaissais sans avoir besoin de mots.

— Ce que tu ressens n'a rien à voir avec moi, dis-je doucement.

Elle haussa les épaules, un sourire triste se dessinant sur son visage.

— Peut-être que si. Peut-être que non. Mais si vous voulez vraiment disparaître, pourquoi m'avoir laissé entrer ?

Je restai silencieux, mes pensées m'embrouillant. Je n'avais pas la réponse à cette question. Une part de moi voulait qu'elle parte, qu'elle m'oublie. Mais une autre, plus sombre, me soufflait qu'elle comprenait des choses que personne d'autre ne voyait.

Je me détournai, attrapant une chaise près de la table.

— Si tu veux rester là et poser des questions, assieds-toi, dis-je finalement. Mais je te préviens : tu ne vas pas aimer ce que tu apprendras.

Anaïs hésita une seconde, puis s'assit en face de moi.

— J'ai vu pire, murmura-t-elle.

Je levai un sourcil, mais ne fis pas de commentaire. À travers la faible lumière de la lampe, je me sentis pour la première fois en très longtemps comme un homme, et non une ombre.

Entre l'Ombre et le FeuOù les histoires vivent. Découvrez maintenant