Chapitre 9 : La tempête approche

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(POV Élias)

L'air était lourd ce soir-là. La cabane semblait plus petite, comme si les murs se resserraient autour de moi, chaque souffle de vent dehors rappelant que je n'étais jamais vraiment seul, que l'ombre de mon passé me suivait inlassablement. Je ne pouvais plus ignorer la vérité. Ils étaient de retour. Et je ne pourrais pas fuir cette fois-ci.

Anaïs ne cessait de me regarder, mais j'avais l'impression de n'être plus qu'un spectre à ses yeux, un homme brisé par ses choix, par les fantômes qu'il avait laissés derrière lui. Pourtant, elle semblait prête à m'accepter, à m'accompagner dans cette chute que je redoutais tant. Je me sentais piégé entre mon désir de la protéger et l'envie de la repousser, de l'éloigner de ce monde de ténèbres.

Je déglutis, mon regard se portant sur la fenêtre, où la nuit enveloppait tout. Je n'avais plus le choix. Je devais affronter ce qui venait, même si cela signifiait tout perdre.

— Élias...

La voix d'Anaïs me sortit de mes pensées. Je tournai lentement la tête vers elle, la trouvant juste derrière moi, ses yeux emplis de détermination.

— Quoi ? demandai-je, la fatigue dans la voix.

— Vous devez me dire tout. Maintenant, si vous voulez que je reste.

Les mots étaient simples, mais ils me frappèrent de plein fouet. Je savais qu'elle ne repartirait pas tant que je ne lui dirais pas tout. Mais je craignais qu'une fois qu'elle saurait, je ne puisse plus jamais revenir en arrière. Je la perdis un instant de vue dans mes pensées, jusqu'à ce que ses yeux rencontrent les miens.

— Je n'ai pas envie de te perdre, murmurai-je, presque à moi-même. Mais tu mérites mieux que ça.

Anaïs s'approcha, un pas à la fois, jusqu'à se retrouver tout près de moi. Elle posa une main douce sur mon bras, comme pour briser la distance que j'avais toujours mise entre nous.

— Je veux savoir, Élias. Tout.

Je fermai les yeux un instant, me concentrant sur le poids de ses mots. J'avais l'impression qu'à chaque syllabe que je prononcerais, un morceau de moi s'effacerait. Mais je savais que je ne pouvais plus fuir.

— Je suis... j'étais impliqué dans des affaires sales. Des gens dangereux m'ont trouvé, et je n'avais pas le choix. Je n'étais qu'un pion pour eux, un... homme de main, disais-je, ma voix tremblante d'un sentiment que je détestais : la honte.

Anaïs écoutait, sans interrompre, son regard concentré sur moi.

— Mais j'ai voulu m'échapper. J'ai voulu tout effacer, tout laisser derrière moi. Quand je t'ai rencontrée, je pensais que je pouvais encore changer, qu'il y avait une chance de fuir tout ça. Mais je vois maintenant... que ce n'est pas si simple. Ils ne me laisseront jamais partir. Je ne peux pas m'en débarrasser.

Anaïs ne me quittait pas du regard. Ses doigts s'accrochèrent brièvement à mon bras avant qu'elle ne les retire, ses yeux remplis de questions, mais aussi de compréhension.

— Vous ne pouvez pas tout effacer, Élias, dit-elle d'une voix douce, presque comme un avertissement. Mais vous pouvez... arrêter de fuir. Vous pouvez affronter ce passé. Avec moi.

Je la fixai intensément. Mon cœur se serra dans ma poitrine. J'avais toujours craint qu'elle ne comprenne pas. Mais là, face à moi, elle me comprenait. Elle savait que je ne pouvais pas me débarrasser de mon passé, mais que je devais quand même l'affronter.

Les mots que j'avais murmurés semblaient s'échouer sur le sol entre nous. Ce que je n'avais jamais voulu admettre, je venais de le dire à haute voix. Elle savait. Et pourtant, elle ne recula pas.

Je détournai les yeux, le regard perdu dans les ténèbres.

— C'est plus compliqué que tu ne le crois, soufflai-je. J'ai tué des gens, Anaïs. Je ne suis pas celui que tu crois que je suis.

Un silence lourd s'installa entre nous. Le vent soufflait plus fort à l'extérieur, frappant les vitres, mais le bruit ne parvenait presque pas à pénétrer dans cette bulle fragile qui nous entourait.

Anaïs fit un pas en avant, ses yeux cherchant les miens. Elle posa une main sur ma joue, l'effleurant doucement, comme si elle essayait d'apaiser une douleur qu'elle ne pouvait pas comprendre, mais qu'elle sentait.

— Je ne sais pas ce que ça fait d'être celui que vous étiez, Élias. Mais je sais ce que c'est que d'être un survivant. Et je veux être là avec vous.

Je fermai les yeux, un soupir lourd s'échappant de mes lèvres. Je sentis une chaleur envahir mon cœur, mais je savais que tout cela ne suffisait pas à effacer les ombres qui me hantaient. Les murs étaient trop épais, trop proches. Je ne pouvais pas la laisser entrer. Pas complètement.

Mais je n'arrivais plus à repousser cette attirance. Je n'arrivais plus à refuser la seule chose qui semblait encore réelle dans ma vie.

— Tu ne sais pas dans quoi tu t'engages, Anaïs. Tu risques de tout perdre.

Elle ne répondit pas tout de suite. Elle se contenta de l'embrasser sur la joue, un geste simple mais intense, un geste qui venait briser les barrières que j'avais soigneusement érigées autour de moi.

— Je ne suis pas seule dans ce monde. Et je ne te laisserai pas te battre seul.

Je sentis mon cœur se serrer. Mes yeux se fermèrent un instant, alors que je laissais cette chaleur m'envahir pour la première fois depuis longtemps. Peut-être que je ne pouvais pas effacer mon passé. Mais peut-être que, ensemble, nous pourrions affronter ce qui venait.

Le bruit du vent soufflant contre les fenêtres semblait s'intensifier, comme un prélude à une tempête à venir. Mais j'étais prêt à affronter cette tempête. À condition qu'elle soit à mes côtés.

Entre l'Ombre et le FeuOù les histoires vivent. Découvrez maintenant