Chapitre 56

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La porte s'ouvrit avec un grincement strident, rompant le silence oppressant de la cellule. Phran sentit son cœur s'emballer, un mélange d'angoisse et de colère montant en elle. Cela faisait trois jours qu'elle avait été témoin de l'horreur, de ce que leurs expériences avaient produit. Depuis, tout avait ralenti. Les visites étaient moins fréquentes. Pourtant, si le rythme des expériences avait diminué, la douleur, elle, n'avait fait qu'augmenter.

Les produits qu'ils lui injectaient avaient changé. Ils n'étaient plus là pour tester ou améliorer leur concoction. Non. Phran en était arrivée à une conclusion bien plus sinistre : ils ne cherchaient plus à la maintenir en vie. Leur but, maintenant, semblait être de pousser son corps et son Essens à la limite, à voir jusqu'où elle pouvait tenir avant que l'un ou l'autre ne cède. Ils voulaient que ce soit son propre pouvoir qui la détruise, qui finisse le travail à leur place.

Elle avait remarqué les similitudes avec le produit utilisé sur la petite fille, mais la différence était flagrante : ici, les doses étaient plus faibles, calculées avec une précision chirurgicale. Suffisantes pour l'empoisonner, pour la torturer à chaque injection, mais insuffisantes pour provoquer une transformation complète. C'était une agonie contrôlée, une danse macabre où elle était à la fois l'actrice principale et le spectateur. Chaque jour, elle se demandait si ce serait le dernier, si cette dose-là serait celle qui mettrait fin à tout.

Mais Phran tenait. Non pas parce qu'elle était plus forte que les autres. Non pas parce qu'elle avait trouvé un quelconque espoir ou une quelconque lumière dans cet enfer. Non, elle tenait parce qu'elle refusait de leur donner satisfaction. Chaque battement de son cœur, chaque souffle arraché à la douleur, chaque seconde où elle continuait à vivre était une victoire, un pied de nez à ceux qui la considéraient déjà comme une morte en sursis.

Ses pensées s'interrompirent brutalement lorsque deux gardes entrèrent, leurs visages durs et indifférents comme à leur habitude. Ils s'approchèrent, et l'un d'eux attrapa son bras avec une fermeté brutale. Phran ne se débattit pas. Elle avait appris que cela ne faisait qu'empirer les choses. Pourtant, alors qu'ils la traînaient hors de la cellule, une étincelle de colère brûlait encore dans ses yeux.
Ils ne l'avaient pas brisée. Pas encore. Et tant qu'elle était en vie, il leur serait impossible de dire qu'ils avaient gagné.

Ils l'amenèrent dans cette pièce, la même qui hantait ses cauchemars, celle où chaque recoin semblait être imprégné de ses cris passés. Un mois de souffrance, un mois d'humiliations et de douleurs incessantes. Pourtant, malgré tout, Phran sentait un changement. Le ralentissement du rythme des expériences, bien que ponctué d'une torture plus raffinée et calculée, lui avait permis de récupérer un semblant de force. Son corps, épuisé, trouvait dans ces instants de répit un moyen de se reconstruire, si fragilement. Elle pouvait marcher maintenant, ses jambes ne tremblaient plus à chaque pas, mais la bataille à l'intérieur de son esprit était une autre histoire.

Chaque jour, l'Essens semblait plus intrusive, plus impitoyable. Elle sentait ses perceptions se tordre, la frontière entre réalité et illusion s'amincir jusqu'à devenir presque imperceptible.
Les ombres dans les coins de la pièce semblaient se mouvoir, les murs semblaient respirer, et parfois elle se demandait si elle n'était pas déjà morte, condamnée à revivre cette torture encore et encore.

Pourtant, elle savait qu'elle n'avait pas beaucoup de temps. L'Essens ne cessait de s'immiscer dans son esprit, de grignoter ce qui restait de sa lucidité. Elle le sentait, ce pouvoir qu'elle avait longtemps maîtrisé, qui lui avait permis de survivre, était maintenant son plus grand ennemi. Il n'attendait qu'un moment de faiblesse pour s'emparer d'elle, pour la consommer entièrement.

Phran serra les poings. Elle devait agir. Rapidement. Avant que son esprit ne s'effondre, avant que l'Essens ne l'engloutisse totalement. Elle devait trouver un moyen de s'échapper, une ouverture, une faille, quelque chose, n'importe quoi. Parce que si elle ne faisait rien, elle savait que cette pièce finirait par devenir son tombeau.

Ostru: Fragments d'un Monde DéchuOù les histoires vivent. Découvrez maintenant