Chapitre 1

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Le soleil londonien, timide comme à son habitude, caressait doucement les rideaux de la chambre d'Amara. Assise sur son lit, un carnet de notes posé sur ses genoux, elle traçait des lignes à moitié effacées. Les mots dansaient entre les souvenirs de ses dernières conférences et ses projets d'avenir. Mais aujourd'hui, une lettre sur son bureau accaparait toute son attention.

C'était une enveloppe blanche, simple mais imposante, ornée du sceau officiel de l'université où elle avait postulé quelques mois plus tôt pour une bourse internationale. Son cœur battait fort. Amara inspira profondément, ses doigts tremblant légèrement lorsqu'elle déchira le papier.

Les mots, imprimés avec une précision froide, lui sautèrent aux yeux :

"Chère Amara, nous avons le plaisir de vous informer que vous avez été acceptée à l'Université d'Istanbul pour poursuivre votre Master en relations internationales."

Amara posa la lettre, ses pensées s'emballant dans un mélange d'excitation et de crainte. Londres était tout ce qu'elle avait connu : ses rues grises pleines de vie, les sourires discrets des libraires dans ses cafés préférés, et, surtout, la chaleur de sa famille. Elle n'était jamais allée en Turquie. Istanbul n'était qu'un nom mystérieux qu'elle avait étudié dans des livres, une ville miroitante d'histoire et de promesses.

— Amara, tu descends ? appela sa mère depuis le salon.

Elle prit une grande respiration avant de rejoindre ses parents. Son père, toujours calme et réfléchi, l'attendait avec une tasse de thé, tandis que sa mère, assise près de lui, avait déjà ce regard interrogateur, comme si elle devinait tout.

— Alors ? demanda-t-elle en croisant les bras.

— J'ai été acceptée, répondit Amara, sa voix tremblante d'émotion.

Le silence tomba dans la pièce, coupé seulement par le tic-tac régulier de l'horloge.

— Félicitations, ma fille, dit finalement son père, un sourire fier éclairant son visage. Mais ce n'est pas juste une réussite académique, c'est un grand changement. Istanbul... c'est loin.

Amara hocha la tête.

— Oui, c'est loin. Mais c'est une opportunité incroyable.

Sa mère pinça les lèvres, hésitante.

— Tu es prête à partir seule, là-bas ? À t'adapter ? Ce sera différent.

Elle savait que sa mère s'inquiétait davantage pour sa sécurité que pour le choc culturel.

— Je vais m'adapter, répondit-elle avec détermination.

Dans le regard de son père, elle vit qu'il croyait en elle. Elle s'accrocha à cette certitude. À partir de ce jour, sa vie allait changer, et tout en elle se préparait à franchir ce pont entre deux mondes : celui qu'elle connaissait et celui qu'elle allait découvrir.

Amara retourna dans sa chambre après la conversation avec ses parents, le cœur alourdi par un mélange d'émotions. Elle posa la lettre sur son bureau et la contempla un moment, son esprit vagabondant. Elle était fière, bien sûr, mais cette nouvelle la faisait aussi vaciller. Istanbul n'était pas seulement une opportunité académique, c'était un saut dans l'inconnu.

Elle ouvrit la fenêtre de sa petite chambre et laissa l'air frais de Londres entrer. En bas, la rue grouillait de vie : des enfants couraient, un livreur klaxonnait, et une femme âgée promenait son chien. Elle ferma les yeux et inspira profondément. Elle aimait cette ville, même avec ses ciels gris et sa pluie incessante.

Amara attrapa son téléphone et ouvrit un groupe de discussion avec ses deux meilleures amies, Layla et Sara.

Amara : Les filles... Je dois vous dire un truc.
Layla : Ça a l'air sérieux, raconte.
Sara : Haha ! T'as encore pris la tête de ta mère avec tes conférences sur la politique ?
Amara : Non, c'est autre chose. J'ai été acceptée à Istanbul pour mon Master.

Il fallut quelques secondes avant que les réponses n'arrivent en rafale.

Layla : OMG !!! Je suis tellement fière de toi ! Tu vas gérer, c'est incroyable.
Sara : ISTANBUL ?! Genre, tu pars pour de vrai ? Et Londres, alors ? Et nous ?

Amara sourit en voyant le message de Sara. Elle savait que ses amies allaient être partagées entre leur soutien et leur tristesse de la voir partir.

Amara : Je sais, c'est fou. Je pars dans deux semaines...

Layla : Attends, quoi ?! Deux semaines seulement ? On va organiser une soirée avant que tu partes, c'est clair.

Sara : Oui, et prépare-toi, on ne te lâchera pas jusqu'à ce que tu sois dans l'avion.

Leur enthousiasme la réconforta un peu. Mais une petite voix au fond d'elle continuait de chuchoter : Es-tu vraiment prête ?

Les jours suivants, Amara jongla entre les préparatifs pour son départ et les moments volés avec ses amies. Londres semblait plus vibrante que jamais maintenant qu'elle savait qu'elle allait la quitter. Elle passa des heures à marcher dans les rues familières, à contempler les vitrines des librairies où elle avait passé tant de samedis après-midi.

Un soir, elle décida de faire une dernière promenade le long de la Tamise. La rivière scintillait sous les lumières des ponts, et le bruit des vagues contre les quais apportait une étrange sérénité. Amara aimait cet endroit, elle y venait souvent pour réfléchir. Elle s'arrêta devant un banc où un vieil homme jouait doucement du violon.

— Belle nuit, n'est-ce pas ? dit-il en remarquant son regard pensif.

Amara hocha la tête avec un sourire.

— Oui, magnifique.

— On dirait que vous avez beaucoup en tête, continua-t-il.

Elle hésita avant de répondre.

— Je pars bientôt pour Istanbul.

Le vieil homme sourit doucement.

— Ah, Istanbul. Une ville pleine d'histoires et de mystères. Vous avez de la chance, jeune fille. Ne laissez pas vos doutes vous alourdir.

Ses mots résonnèrent en elle.

Chez elle, les préparatifs prenaient forme. Sa mère insistait pour qu'elle emporte un peu de tout : des écharpes, des médicaments, même des épices "au cas où elle ne trouverait pas les mêmes là-bas". Son père, lui, passait des heures à s'assurer que tous ses documents étaient en ordre.

Un matin, alors qu'elle empaquetait ses affaires, Amara tomba sur une boîte qu'elle n'avait pas ouverte depuis des années. À l'intérieur, des photos d'enfance, des lettres, et un vieux journal. Elle s'assit sur le tapis et ouvrit le journal à la première page.

"Chère Amara du futur, si tu lis ceci, j'espère que tu es devenue quelqu'un de fort et de courageux."

Elle sourit en lisant les mots de la jeune fille qu'elle avait été. Le journal était rempli de rêves qu'elle avait autrefois, certains oubliés, d'autres encore vivants. Une phrase attira particulièrement son attention :

"Je veux voir le monde et prouver que je peux réussir, peu importe les obstacles."

Ce souvenir d'elle-même, si pleine d'espoir, lui donna un regain de confiance.

Le soir de sa soirée d'adieu, Layla et Sara l'emmenèrent dans leur restaurant préféré, un petit endroit cosy avec des coussins colorés et des lumières tamisées. Elles passèrent des heures à rire, à partager des souvenirs, et à parler de l'avenir.

— Tu vas nous manquer, murmura Layla en serrant Amara dans ses bras à la fin de la soirée.

— Vous aussi, répondit-elle, sa voix tremblante.

Mais malgré l'émotion de ces adieux, Amara se sentait prête. Londres resterait toujours son foyer, mais il était temps de découvrir ce que le reste du monde avait à offrir.

Deux semaines plus tard, le jour de son départ, Amara se tenait à l'aéroport, une valise à la main et le cœur lourd. Alors qu'elle passait la sécurité et jetait un dernier regard vers ses parents et ses amies, elle réalisa que ce n'était pas un au revoir définitif, mais un nouveau chapitre.

Istanbul l'attendait.

Le pont entre deux mondes Où les histoires vivent. Découvrez maintenant