chapitre 1

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La salle était bondée, remplie de cris et de sifflements enthousiastes. Les lumières éclatantes du gymnase mettaient en valeur le parquet impeccable et les gradins surchargés de spectateurs. Lenne, assise à mi-hauteur, tirait nerveusement sur la manche de son pull, tentant de se faire la plus discrète possible. Les rires et les discussions bruyantes autour d'elle lui donnaient l'impression d'être invisible, presque une ombre parmi les spectateurs. Elle baissa les yeux un instant, mal à l'aise, mais ne pouvait s'empêcher de regarder le match qui battait son plein.

Evan. Chaque mouvement de son corps lui semblait chorégraphié, puissant, maîtrisé, comme une symphonie silencieuse. Sa manière de dribbler, de feinter, de bondir pour marquer un panier… c’était hypnotisant. Pourtant, elle savait qu’elle n’aurait pas dû être là. Pas après ce qu’il lui avait dit la veille.

Tu m’aimes un peu trop, Lenne. C’est malsain, tu ne trouves pas ?

Ces mots tournaient encore en boucle dans sa tête, acérés comme des éclats de verre. Mais elle avait quand même décidé de venir, convaincue qu’il ne pensait pas ce qu’il disait. Evan avait toujours eu un don pour manier les mots comme des armes, blessant juste assez pour garder le contrôle.

Le coup de sifflet retentit. Temps mort. Evan rejoignit son équipe sur le côté, essuyant la sueur sur son front. Il leva soudain les yeux, croisant le regard de Lenne. Une vague d’espoir la traversa, aussi rapide qu’incontrôlable. Il l’avait vue. Peut-être qu’il…

Mais avant qu’elle ne puisse interpréter son expression, une fille aux cheveux blonds éclatants et vêtue d’un crop-top trop court bondit des gradins pour le rejoindre. Lenne la reconnut aussitôt : Ashley. La fille que tout le monde enviait, qui obtenait toujours ce qu’elle voulait. Surtout quand il s’agissait d’Evan.

Le monde sembla ralentir. Ashley posa une main parfaitement manucurée sur la nuque d’Evan, et avant que Lenne ne puisse détourner les yeux, leurs lèvres se rejoignirent. Pas un baiser rapide et discret, non. Un de ces baisers qui clament haut et fort : *Regardez-moi.*

Le coeur de Lenne se serra violemment. Tout l’air sembla quitter la pièce, remplacé par un vide suffocant. Elle aurait voulu détourner le regard, mais elle était figée, incapable de bouger, de penser. Une partie d’elle espérait qu’il reculerait, qu’il la repousserait. Mais Evan… Evan répondit au baiser, avec cette même intensité qu’il mettait dans tout ce qu’il faisait.

Des rires fusèrent autour d’elle, des murmures aussi. “Pauvre Lenne…” entendit-elle dans un coin de sa tête. Elle baissa les yeux, les joues en feu, et se leva brusquement. Les marches du gradin semblèrent interminables alors qu’elle se frayait un chemin vers la sortie. Les visages flous autour d’elle se mêlaient aux souvenirs encore récents de leurs moments ensemble… leurs nuits passées à parler de leurs rêves, de ce que signifiait être libre.

À peine eut-elle poussé la porte du gymnase qu’elle sentit la fraîcheur de la nuit sur son visage. Mais cela n’apporta aucun soulagement. Une rage sourde montait en elle, mêlée à une douleur qu’elle avait du mal à contenir. Elle le savait, pourtant. Elle savait qu’Evan n’était pas celui qu’elle voulait qu’il soit. Mais elle était irrémédiablement attirée par lui, comme un papillon par une flamme, consciente qu’elle s’approchait d’un danger inévitable. Sa réserve naturelle et sa peur du rejet rendaient chaque pensée à lui encore plus douloureuse, mais impossible à ignorer.

Les mains tremblantes, elle fouilla dans son sac pour trouver son téléphone. Ses doigts glissèrent sur l’écran, mais elle ne savait pas qui appeler, ni quoi dire. Des larmes qu’elle n’avait pas voulu laisser sortir roulaient sur ses joues, silencieuses, brûlantes.

Lenne, murmura-t-il, brisant le silence de la nuit avec une douceur qui la déstabilisa encore plus. Elle resta figée, ses pensées se bousculant, incapable de répondre, comme si même prononcer son prénom suffisait à raviver toutes ses blessures.

Sa voix. Elle se retourna brusquement. Evan était là, à quelques mètres d’elle, encore en tenue de match, les cheveux en bataille, le souffle court. Comme s’il avait couru pour la rejoindre. Son expression était indéchiffrable.

Qu’est-ce que tu veux ? cracha-t-elle, sa voix brisée.

Il s’approcha, et l’ombre d’un sourire effleura ses lèvres.

Toi. Toujours toi.

Lenne sentit son visage s'empourprer, mais cette fois, ce n'était pas seulement de honte ou de douleur. Une colère sourde monta en elle, brisant l'écorce de sa timidité habituelle.

Tu te fiches de moi ou quoi ?! cria-t-elle, sa voix tremblante mais ferme. Tu m'humilies devant tout le monde et maintenant, tu viens me dire ce genre de chose ?

Evan parut surpris par l'intensité de sa réaction, mais avant qu'il ne puisse répondre, Lenne recula d'un pas, les larmes aux yeux.

Laisse-moi tranquille, Evan. Juste... laisse-moi.

Elle tourna les talons et partit sans se retourner, le bruit de ses pas étouffé par la nuit. Chaque pas était une lutte pour ne pas s'effondrer, mais elle était déterminée à s'éloigner de lui, au moins pour ce soir.

Lenne sentit un frisson lui parcourir l’échine. Ces mots qu’elle avait tant voulu entendre sonnaient comme une malédiction. Et pourtant, elle savait qu’elle n’était pas prête à s’en aller.

Sous ton emprise Où les histoires vivent. Découvrez maintenant