Chapitre 17.

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Lana | Colorado, décembre 2022

Ce type n'est vraiment pas drôle, pensé-je en reportant mon attention sur la cible face à moi.

Je ressens tout de même une pointe de fierté. J'ai réussi à atteindre la cible alors que je n'avais jamais touché une arme de ma vie. Vu la précision de tir d'Éros, il est sûrement très entraîné. Soit il passe son temps dans le jardin à pointer ces cibles, soit... je préfère ne pas aller au bout de ma pensée. J'oublie trop souvent qu'ici, toutes les personnes sont dangereuses. Ils ont probablement déjà tué des dizaines de gens et je pourrais très bien être la prochaine. Mon ventre se noue face à cette éventualité.

Tu racontes n'importe quoi.

Je chasse cette idée de ma tête et me retourne en direction de la maison quand j'entends du bruit. Éros se dirige vers moi en courant. Il me crie quelque chose, agite les bras, mais je ne comprends pas ce qu'il veut me dire. Sourcils froncés, je constate qu'il a toujours son arme à la main et j'ai presque envie de le réprimander comme on gronde un enfant qui court avec des ciseaux à la main.

Il continue de crier et au fur et à mesure qu'il s'approche, je peux comprendre ce qu'il dit.

- COUCHE-TOI !

Me coucher ? Mais pourquoi ?

Est-ce que ça fait partie d'un entraînement ? Ou peut-être qu'il veut se venger de tout à l'heure en me faisant peur.

Tu n'y arriveras pas, Éros.

Je ne bouge pas et le regarde avec un léger sourire. Il n'est plus qu'à quelques mètres et crie toujours, mais en arrivant sur moi, il ne ralentit pas.

Il ne ralentit pas.

Quand il arrive à ma hauteur, un énorme bruit éclate sur ma droite. Une chaleur soudaine me fouette le visage et Éros me percute au même moment. Mon dos vient s'écraser contre le sol et c'est le trou noir.

Lorsque je reprends connaissance, quelques secondes ou minutes plus tard, mes oreilles sifflent. Je me remémore vaguement Éros en train de courir dans ma direction, et le bruit d'une explosion. Lors de ma chute, j'ai aussi senti des choses nous percuter.

Une masse recouvre mon corps et, quand j'ouvre les yeux avec difficulté, j'aperçois le visage d'Éros juste au-dessus du mien. Ses lèvres remuent, mais je n'entends rien. Je n'entends rien d'autre que le sifflement strident qui percute mes oreilles.

Affolée, je regarde autour de moi. Le cabanon situé à côté de la zone de tir est en feu, explosé en milliers de morceaux de bois. Il y a des débris tout autour de nous et je comprends rapidement ce qu'il vient de se passer. Ma respiration s'accélère, je commence à paniquer. Mon dos me fait mal, mes oreilles bourdonnent et ma tête tourne.

Il y a eu une explosion... comment Éros savait-il ?

Trop de questions fusent dans ma tête. Mon souffle se coupe quand Éros m'attrape le visage et me force à le regarder. Il prend une de mes mains et vient la poser sur son torse, comme il le fait à chaque fois. Je réussis à reprendre une respiration normale, mais reste incapable de dire quoi que ce soit.

Puis il se relève et m'aide à me redresser. Son regard balaie la cour, comme s'il cherchait quelque chose. Son visage est fermé. C'est la première fois que je le vois aussi inquiet et ça ne me rassure pas du tout. Il attrape mon bras et nous entraîne contre la façade de la maison.

- Est-ce que ça va ?

Le sifflement s'est estompé, je parviens à entendre peu à peu. Mon ventre se relâche avec soulagement. J'acquiesce d'un signe de la tête, toujours incapable de parler. Le bras d'Éros saigne, il a un bout de bois enfoncé dans l'épaule. Je fais les gros yeux et lui montre du doigt sa blessure qu'il ne regarde que quelques secondes.

Sidéris T1 Où les histoires vivent. Découvrez maintenant