Sidéris T1

Chapitre 31

Lana | Colorado, janvier 2023

Nous roulons en silence depuis plusieurs minutes, maintenant.

La radio tourne en fond, avec plus de pubs que de musiques. Je ne sais pas pourquoi, mais l'ambiance n'est pas au rendez-vous. Je me demande s'ils s'amusent mieux dans l'autre voiture. Peut-être sommes-nous encore fatigués par la journée d'hier.

J'ai trouvé étrange le comportement d'Éros et Jace à table, tout à l'heure. J'ai l'impression qu'ils mijotent quelque chose, leur soudaine envie de camper me laisse dubitative.

La même musique que celle sur laquelle Éros et moi avons dansé à New York passe à la radio et je dévie mon regard vers le rétroviseur intérieur. Dans l'instant, ses yeux s'accrochent aux miens. Je ne peux m'empêcher d'esquisser un sourire avant de détourner le regard vers le paysage en me remémorant ce beau moment. C'était la première fois que j'avais été aussi proche d'Éros.

Un sentiment de manque s'installe dans ma poitrine. Depuis que Lucas est arrivé, Éros m'évite. Il ne veut sans doute pas montrer à mon frère ce qu'il se passe entre nous.

Ni même à personne, d'ailleurs.

Que je suis bête ! Il n'y a rien entre nous. Je perds vite mon sourire et mon visage se ferme quand je me rappelle ce qu'il a dit sur le canoë.

Bien sûr, une partie de moi garde espoir qu'il m'ait menti. Les filles ont raison, s'il n'y avait rien, il n'agirait pas comme il le fait. Une idée me vient en tête pour le confronter face à ce qu'il ressent.

Éros s'engage dans une petite allée en terre et gare la voiture sur une sorte de parking. Autour, il n'y a que des arbres à perte de vue.

- Nous sommes arrivés ?

- On va laisser les voitures ici et continuer le chemin à pied, explique Éros.

Jace se gare à nos côtés et chacun attrape quelque chose dans les coffres.

- Par ici ! s'exclame Jace en ouvrant la marche. Un kilomètre à pied, ça use, ça use, un kilomètre à pied, ça use les souliers !

Il s'aventure dans un petit sentier en chantant, la troupe derrière lui. Bien sûr, Lucas et Liam l'ont suivi dans son délire. De mon côté, je préfère économiser mon souffle et mon énergie. Il y a trois jours encore, j'étais inconsciente.

Le chemin escarpé monte doucement, serpentant à travers les arbres. Le sol est recouvert d'un tapis moelleux de feuilles mortes qui craquent sous nos pas. J'aime l'odeur boisée qui s'en dégage.

Avec leurs sacs sur le dos, les filles commencent à fatiguer.

- On peut faire une pause ? demande Ariane en coupant Jace dans sa chanson.

- Oui, je pense qu'on devrait s'arrêter un moment, propose Lucas.

Jace et Éros se lancent un regard que je ne connais que trop bien.

- Si vous insistez ! dit Liam en lâchant les sacs au sol.

Je ne me fais pas prier non plus avant de m'asseoir sur une souche d'arbre.

- C'est encore loin ? Ça doit faire une heure qu'on marche, demande Noa.

- Nous sommes à la moitié, je pense. Quand on sera arrivés, vous ne regretterez pas la vue ! dit Jace pour nous motiver.

J'attrape ma bouteille d'eau et bois comme si je n'avais pas bu depuis trois jours. C'est incroyable de ressentir une telle fatigue après avoir parcouru si peu de distance. Je me remémore avec une pointe de frustration les longues courses à pied que je pouvais effectuer sans la moindre difficulté il y a encore quelques semaines.