Chapitre 88

8 3 2
                                    

Quelques semaines plus tard... 23 Novembre.

— Tu ne fais réellement aucun effort pour me soutenir, Nel !

La voix de Bertrand, tranchante, résonne dans la pièce. Nelly se fige, l'esprit en ébullition. Ses mains tremblent légèrement alors qu'elle tente de garder son calme. Ces mots, elle les a déjà entendus mille fois, mais aujourd'hui, ils frappent plus fort.

— Bertrand... je ne veux pas déménager.

Sa voix est faible, presque un murmure, mais elle tente de rester ferme. Le poids de la situation l'écrase.

— J'ai tout ici. Ma famille, mes amis, mon travail... comprends-le !

Mais Bertrand ne l'écoute pas. Il ne l'a jamais vraiment écoutée. Elle le voit dans ses yeux, cette lueur impatiente, comme s'il attendait simplement que ses objections passent pour continuer à imposer sa volonté. Ce n'est pas un dialogue, c'est un monologue déguisé.

Les paroles de sa sœur lui reviennent en mémoire, comme un écho lointain, empoisonné. «Mariage idéal, vie de couple parfaite avec papa et maman qui travaillent... » Nelly étouffe un rire amer. Ce qu'elle vit n'a plus rien à voir avec cette image. Bien sûr, elle pourrait suivre son mari comme d'autres femmes l'ont fait, jouer le rôle de l'épouse dévouée, l'accompagnant à chaque étape de sa carrière. Mais elle sait, au fond d'elle-même, que ce déménagement n'est pas la solution. Est-ce vraiment ce qu'elle veut ? Non. Ce déménagement n'améliorera ni son couple, ni sa propre existence.

— Bertrand, tu me vois vraiment vivre en appartement ?

Elle tente de raisonner avec lui, mais la réponse est évidente. Ils ont bâti leur vie ici, dans cette maison. Elle aime cet endroit, leurs souvenirs s'y entrelacent. Bertrand, lui, ne semble y voir qu'un lieu de passage, un cadre pour ses ambitions. Il soupire bruyamment, agacé. Un rictus de mépris effleure ses lèvres.

— Là n'est pas la question, Nelly !

— Bah, un peu quand même...

Elle essaie de garder une certaine légèreté dans sa réponse, mais son cœur bat de plus en plus vite, comme une alarme sourde qui résonne dans sa poitrine. Bertrand a cette manière de toujours esquiver l'essentiel, de transformer la moindre discussion en une bataille où il doit sortir vainqueur.

— Non. L'important, c'est de rentrer le soir et de former cette famille que nous représentons, continue-t-il avec cette arrogance habituelle, comme s'il récitait un rôle. Que je puisse manger tes bons petits plats, que je ne dorme pas à l'hôtel, mais dans la maison que je partage avec ma femme, qui s'occupera de moi quand je serai fatigué !

Nelly reste bouche bée, son souffle coupé par la violence de ces mots. Elle le fixe, son visage se figeant dans une expression d'incrédulité. Est-ce qu'elle rêve ? Ce qu'il vient de dire semble sorti d'un autre temps, d'un autre monde, où la femme n'était que l'ombre de son mari, là pour satisfaire ses moindres besoins.

— Tu plaisantes ?

Sa voix tremble légèrement, un mélange de colère et d'incompréhension. Mais Bertrand ne bronche pas. Il croise les bras sur sa poitrine, planté devant elle comme un mur inébranlable.

— Bien sûr que non ! réplique-t-il, agacé que ses intentions soient remises en cause. Ce n'est pas ce que tu veux ? Être près de moi ?

Ses paroles sont mielleuses, mais son regard est froid, calculateur.

— Faire évoluer notre fils de façon saine ?

Nelly serre les poings. Voilà, il l'a fait. Il a osé impliquer Louis, leur enfant, dans cette conversation toxique. Elle sait qu'il le fait pour la manipuler, pour éveiller sa culpabilité de mère. Mais elle refuse de se laisser piéger.

Joue-moi, l'amourOù les histoires vivent. Découvrez maintenant