Chapitre 65

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Le miroir reflétait son visage, figé dans un silence presque oppressant. Nim s'observait, ses yeux d'un bleu profond alourdis par les cernes sombres qui marquaient son regard. Ces traces, vestiges d'un sommeil trop rare, racontaient une histoire que ses mots ne prononçaient jamais. Ses cheveux blonds tombaient négligemment sur son front, encadrant son visage avec une harmonie subtile, presque ironique, pour quelqu'un qui se sentait aussi brisé à l'intérieur.

Il se tenait là, immobile, face à son propre reflet. C'était une habitude qu'il avait prise, une sorte de rituel matinal, toujours exécuté dans la solitude. La plupart du temps, il portait ce masque, cet accessoire qui dissimulait ses traits au reste du monde. Mais lorsque personne n'était là pour regarder, il se démasquait, se redécouvrant dans la lumière pâle du matin.

Il avait besoin de ce moment.

Comme si fixer son reflet lui permettait de ne pas oublier qui il était. Qui il avait été. Ses doigts glissèrent machinalement sur le bord du lavabo, le froid de la céramique ancrant sa présence dans le réel. Son regard scrutait chaque détail : la ligne de sa mâchoire, les ombres creusées sous ses yeux, les petites cicatrices à peine visibles sur ses pommettes, souvenirs d'un passé violent.

Nim inspira doucement, son souffle faisant vibrer l'air lourd autour de lui.
Est-ce que je suis toujours cette personne ? se demanda-t-il en silence.

Le visage qu'il voyait lui semblait à la fois familier et étranger. Le masque qu'il portait habituellement lui offrait une barrière, une protection contre le monde extérieur. Mais ici, face à lui-même, il n'y avait rien pour cacher ses doutes, sa fatigue, ou ses échecs.

Comme perdu dans un torrent d'oubli, Nim fixait son reflet, cherchant à retrouver un fragment de ce qu'il avait été, ou peut-être de ce qu'il devait être. Le visage qui lui renvoyait son regard dans le miroir lui semblait à la fois familier et étranger, un vestige d'un passé révolu. Peu de gens connaissaient ce visage, caché depuis longtemps derrière un masque.

Dans sa jeunesse, il avait pourtant profité de ce visage charmant, de ce sourire parfois dévastateur, pour obtenir ce qu'il voulait. Une arme douce, subtile, mais terriblement efficace. Jusqu'à ce qu'il la rencontre. Elle.

Elle l'avait aimé d'abord pour son apparence, pour ce visage éclatant de vie et cette assurance qui l'accompagnait. Mais ensuite, elle avait découvert ce qu'il était réellement. Elle l'avait aimé pour ses qualités, mais surtout pour ses défauts, ces imperfections qu'elle trouvait magnifiques, uniques. Là où il voyait des failles, elle voyait une humanité qui le rendait beau à ses yeux.

Le matin, dans ces instants de solitude, Nim se demandait ce qu'elle avait vu en lui. Ce qu'elle avait trouvé dans ce regard qu'il trouvait aujourd'hui si vide. Elle lui disait souvent que son âme brillait dans ses yeux, et que cette lumière rendait ses iris encore plus captivants qu'ils ne l'étaient naturellement. Mais maintenant, en se regardant, il ne voyait rien. Pas d'éclat, pas de vie. Seulement du vide.

Peut-être, pensa-t-il, avait-il perdu cette lumière le jour où il l'avait perdue, elle.

Ce jour-là, une partie de lui avait été arrachée, irrémédiablement. Ses yeux avaient cessé de briller, comme si l'espoir avait été remplacé par un désespoir silencieux. L'enfant compatissant qu'il avait été s'était éteint, laissant place à un homme insensible, forgé par la douleur et le devoir.

Il se pencha légèrement vers le miroir, fixant intensément ses propres yeux, cherchant désespérément cette lumière qu'elle avait vue, cet éclat qu'elle avait aimé. Mais il n'y avait rien. Rien d'autre qu'une ombre de ce qu'il avait été.

Nim observait son regard vide, scrutant cet abîme sans fin qui avait remplacé la lumière de son passé. Ce vide, il le fixait pour se rappeler. Pour ne pas oublier ce qu'il avait perdu. Et chaque fois qu'il se perdait dans ce reflet, la scène revenait, encore et encore, comme une lame qu'on enfonçait dans sa chair.

Ostru: Fragments d'un Monde DéchuOù les histoires vivent. Découvrez maintenant