Tame courait, plus vite, toujours plus vite, malgré la tenue qui rendait chaque pas un peu plus pénible. Ses chaussures, élégantes mais terriblement inconfortables, lui faisaient déjà mal lorsqu'il marchait. Alors courir ? C'était une torture. Mais il n'avait pas le choix. Il ne pouvait pas la rater.
Un bouquet de fleurs dans une main, son autre bras serré contre son flanc pour amortir les mouvements, il filait à travers les ruelles, son cœur battant aussi vite que ses pieds martelant le sol. Ses vêtements, soigneusement choisis, étaient imprégnés de l'odeur entêtante du parfum qu'il avait appliqué un peu trop généreusement. Chaque respiration lui rappelait qu'il avait suivi à la lettre les conseils d'Itani, bien qu'un doute persistait sur leur efficacité.
Quand il avait demandé son aide pour draguer la personne qui faisait battre son cœur, elle avait d'abord éclaté de rire, se moquant gentiment de son sérieux. Mais devant sa bouille déterminée et ses yeux brillants d'espoir, elle n'avait pas pu l'envoyer balader comme elle l'aurait fait avec n'importe qui d'autre.
Elle était là, assise sur la terrasse du bar, observant avec un mélange d'amusement et de tendresse la scène qui se jouait devant elle. Tame avançait, bouquet à la main, son cœur battant si fort qu'elle pouvait presque l'entendre d'où elle se trouvait. Il se dirigeait vers celle qui faisait s'emballer son cœur un peu plus vite, celle qu'il avait désignée comme sa conquête, son premier amour.
Elle se remémorait ses propres mots, les conseils qu'elle lui avait donnés avec un sourire malicieux, mais qui, étrangement, semblaient avoir eu l'effet désiré :
« Tu sais, le premier amour ne se vit qu'une fois. Et la vie est bien trop courte pour laisser passer une chance comme celle-là. Alors, mets-toi sur ton 31 et fonce. Tu n'as rien à perdre. »Tame n'avait pas eu l'air convaincu au départ. Son visage, d'habitude si lumineux, avait été marqué par une inquiétude presque enfantine, et ses mains avaient tremblé légèrement en écoutant ses paroles. Mais elle n'en était pas restée là.
« Sérieusement, Tame, » avait-elle insisté, ses yeux brillants d'une lueur moqueuse, mais pas dénuée de sincérité. « Après tout ce que tu as vécu ? Tu as survécu à des monstres marins, affronté des situations où des Rodeurs incroyables te poursuivaient, et là, tu veux me dire que tu as peur d'aller lui parler ? Allez, te fous pas de moi. »
Elle avait marqué une pause, son sourire s'étirant alors qu'elle ajoutait, d'un ton un peu plus grave :
« T'as pas le temps pour ce genre de peur, Tame. Pas dans ce monde. Prends ton courage à deux mains et fais-le. Parce qu'au bout du compte, c'est ce genre de moment qui compte, tu verras. »Étrangement, ces paroles avaient semblé suffire à le convaincre. Peut-être pas totalement, mais suffisamment pour qu'il se tienne maintenant là, prêt à se jeter dans ce gouffre qu'on appelle l'amour.
De sa place, Itani observait avec un mélange de fierté et d'amusement. Tame n'était pas forcément serein – son expression, marquée par une tension palpable, trahissait sa peur. Mais il avançait, ses pas un peu maladroits mais résolus.
« Allez, Tame, » murmura-t-elle pour elle-même, son sourire s'adoucissant. « Montre-moi ce que t'as dans le ventre. »
Ce moment, aussi simple qu'il puisse paraître, lui paraissait important. Dans un monde brisé comme le leur, où les chances de bonheur étaient rares et précieuses, voir quelqu'un oser chercher la lumière, même avec maladresse, était une petite victoire en soi.
Itani détourna son regard de Tame pour le poser sur Dona, assise à ses côtés. Cette dernière semblait plongée dans ses pensées, une expression calme mais distante sur le visage. Ses cheveux, récemment coupés, arboraient une pixie cut qu'elle avait demandée avec une détermination presque symbolique.
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Ostru: Fragments d'un Monde Déchu
Pertualangan25 ans après une apocalypse, l'humanité a basculé dans le chaos. Cette apocalypse, issue d'une guerre, a balayé la civilisation, laissant derrière elle des ruines et des terres ravagées. Avant cette chute, la majorité des êtres humains possédaient...