Ostru: Fragments d'un Monde Déchu

Chapitre 70

Un silence lourd s'installa, presque suffocant, tandis que les regards se croisaient, s'affrontaient, dans une bataille muette qui précéda l'explosion imminente. Chaque mouvement, chaque respiration semblait amplifiée, comme si le temps lui-même hésitait à avancer. Les yeux de Firs brûlaient d'une colère incontrôlable, une promesse de destruction totale. À ses côtés, Munje restait impassible, calculateur, son regard glacial fixé sur Itani comme un prédateur jaugeant sa proie.

Puis, tout bascula. Firs attaqua le premier, ses flammes jaillissant dans une vague infernale, illuminant le champ de ruines d'une lueur rougeâtre. Munje suivit presque aussitôt, levant une main paresseuse pour manipuler la matière autour de lui. Le sol se déforma en un instant, une vague de matière filèrent vers Itani à une vitesse terrifiante.

Mais Itani ne recula pas. Pas une seule fois. Dans ce chaos, elle restait un pilier, un point fixe d'une détermination inébranlable. Alors que les flammes de Firs se rapprochaient dangereusement, elle sortit son Glock d'un mouvement fluide, presque mécanique, son visage figé dans une expression froide et implacable.

Elle aurait dû avoir peur. Face à deux Counters, elle aurait dû se sentir écrasée par la puissance écrasante de leurs attaques, perdue d'avance dans un combat désespéré. Mais non. Ce n'était pas la peur qui l'animait. Pas cette fois. C'était autre chose, quelque chose de plus puissant, de plus viscéral. Une haine brûlante, profonde, qui semblait s'être ancrée dans chaque fibre de son être. Cette haine était devenue sa force, son carburant. Elle la tenait debout, droite, les épaules carrées, le regard fixé sur ses ennemis.

Alors, elle tira. Pas un tir précipité ni impulsif, mais un tir précis, calculé. Et pourtant, à la surprise générale, la balle ne visa ni la tête ni le torse d'un des deux Counters. Elle se dirigea, avec une précision chirurgicale, vers la main levée de Munje.

Certains auraient pu croire qu'elle avait raté sa cible, qu'elle avait mal évalué sa trajectoire dans le chaos du combat. Mais cette Itani-là ne ratait jamais. Pas dans cet état, pas avec une telle clarté dans ses intentions. Elle avait visé la main délibérément, en sachant exactement ce qu'elle faisait. Munje manipulait sa matière avec cette main, contrôlait la trajectoire de son attaque destructrice. Et elle savait que si elle parvenait à la perturber, même d'un rien, cela suffirait.

Munje, instinctivement, esquiva la balle. Mais ce mouvement, aussi subtil soit-il, brisa l'équilibre qu'il avait instauré dans son contrôle. Son attaque, une onde meurtrière faite de terre et de débris, dévia légèrement, suffisamment pour couper la trajectoire des flammes monstrueuses de Firs.

L'impact entre les deux attaques fut immédiat, brutal. Les flammes de Firs, aussi féroces qu'un ouragan enragé, furent littéralement absorbées par la vague de matière que Munje avait soulevée. L'explosion qui s'en suivit fut étouffée, annihilée dans un souffle étouffé qui souleva une vague de poussière autour d'eux.

Un fin sourire vint illuminer le visage d'Itani. Cela avait fonctionné. Elle avait réussi à jouer les deux Counters l'un contre l'autre, à détourner leurs attaques sans même les toucher directement. Sa main serra un peu plus fort son Glock, et son regard, brûlant d'une confiance glaciale, se posa tour à tour sur Firs et Munje.

Firs, furieux, tourna des yeux écarquillés vers son camarade. « Putain, Munje ! Tu fais quoi ?! »

Munje, de son côté, fixa Itani, son visage se déformant d'un mélange de colère et d'incrédulité. Il ouvrit et referma sa main, comme pour tester si elle fonctionnait encore, avant de cracher entre ses dents, sa voix grondant comme un orage prêt à éclater : « Elle l'a fait exprès... »

Ce n'était plus une simple Rodeuse à leurs yeux. C'était une adversaire. Et elle venait de leur prouver qu'elle n'était pas qu'une survivante désespérée, mais une stratège prête à exploiter la moindre faiblesse, la moindre ouverture.