Chp 15 - Faith : le dernier trophée (1)

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Arènes d'Ymmaril, Neuvième Cour d'Ombre

Je ne voulais pas assister à cet énième combat. Pour moi, Tamyan n'a plus rien à prouver. Je l'ai déjà vu dominer ses adversaires. Je n'ai pas besoin de ça pour être impressionnée par lui. Ni d'être sauvée, potiche impuissante, ramenée sans cesse au statut de proie, de bel objet apprêté que lui et son oncle se disputent. Je déteste cette situation. Je déteste ce que je ressens lorsque je le vois ainsi, les muscles bandés, tourner autour de ses ennemis comme un prédateur, souple et félin. Ce feu, cette douleur dans mon cœur, qui ne s'apaise que lorsque je suis entre ses bras. Et je déteste encore plus le voir à genoux, à la merci de son pire ennemi.

Mais sans ça, je n'aurais jamais revu Mila. Et je lui suis reconnaissante, finalement, de ne pas m'avoir donné le choix. Ni la culpabilité pour avoir laissé mon cœur trahir l'un ou l'autre, Tamyan ou Mila.

Je ne peux pas croire qu'elle est là, avec moi. Vivante, bien réelle. Après l'avoir cherchée tout ce temps, m'être résigné à sa mort... Les mots s'entrechoquaient dans ma bouche, assemblant des questions vaines et bêtes. Si elle allait bien, si elle avait vu ses ravisseurs, si personne ne lui avait fait du mal. Elle ne se souvient plus de rien, même pas du jour de l'attaque. Choc post-traumatique, associé à une confusion due au sommeil cryo. Un classique. Visiblement, elle est restée en sommeil tout ce temps, mise en stase comme une vulgaire marchandise... ce qui est mieux, puisque de fait, aucun ældien ne l'a touchée, mordue, ou marquée. Cependant, ce n'est qu'un petit soulagement. Elle est ici, avec moi, maintenant, à moitié nue au milieu de ces prédateurs. Juste au pied du roi d'Ombre, ce tyran appelé Fornost-Aran. Je suis soulagée, mais je redoute la suite. D'autant plus que Tamyan... Tamyan a donné sa vie contre celle de Mila.

Tamyan. Je voulais que tu payes, c'est vrai.. mais pas comme ça.

Tamyan m'avait juré qu'il retrouverait Mila. C'était notre marché, le « pacte » que j'avais passé avec lui. Une nuit, dans notre maison sur Pangu, alors qu'il me faisait ce que je croyais détester et subir par devoir, il m'a laissé entendre que lorsqu'il aurait retrouvé Mila et que je lui aurais donné son héritier à naître, il sortirait de ma vie pour toujours. C'était un mensonge, ou plutôt, un piège de sa part pour tenter de m'extirper un semblant d'aveu de dépendance, ce dont il avait besoin par-dessus tout, puisqu'il se nourrissait avidement de moi. Il voulait que je lui avoue mes sentiments et faisait tout pour m'y pousser, par tous les moyens, y compris les plus retors. Un siège constant et usant, entrecoupé de déclarations enflammées de sa part. Je ne le comprenais pas. Que voulait-il ? L'enfant que je portais dans mon ventre ? Mon corps, dont il s'était entiché ? Me briser, par pur sadisme ? Ou se sentait-il obligé de rester avec moi, me dévorant à petit feu, jusqu'à ce qu'il ait enfin payé sa dette pour la malédiction levée ? Ne pas savoir me torturait. Puis j'ai arrêté de me poser des questions, et j'ai accepté la situation comme elle était, sans fard ni illusions. Cet ylfe m'avait transformée, changée à jamais. J'étais devenue dépendante de lui. Pas « amoureuse », ça non, jamais, car il était un monstre qui avait massacré les miens, manqué de me tuer, m'avait torturée, intoxiquée, abusée, et surtout, qui avait provoqué la perte de ma sœur, l'unique personne qui comptait pour moi. Mais je ne pouvais plus me passer de lui. Son corps, sa voix, son odeur, le plaisir qu'il me donnait. Le sang, bien sûr. Celui qui répare tout, enivre et rend immortel. Et même, oui, la beauté sauvage et farouche, toujours grandiloquente et exagérée, de ses déclarations passionnées, de ses actes toujours plus extrêmes.

Un matin, je me suis réveillée à côté de lui et j'ai réalisé que je l'aimais. Que je l'avais probablement aimé tout ce temps. Qu'il souffrait plus que moi. Que cette souffrance perpétuelle, pour lui, conférait une valeur absolue à notre relation. Et j'ai découvert que pour moi, c'était pareil. Tamyan me faisait souffrir. Mais j'avais besoin de ce sentiment intense, de ce poids dans la poitrine. Et du seul remède qu'il me donnait : sa présence et son amour, puisque tous les deux, nous ne sommes en paix que dans les bras l'un de l'autre.

LA CHAIR ET LE METAL T2 (Ne m'oublie pas)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant