30 Story

V. Pourquoi pas une Nespresso comme tout le monde?

- Tu n'as qu'à monter le temps que je me change.

Nous étions sortis discrètement de l'épicerie sous le regard malveillant du chef de rayon. J'avais proposé de rembourser les œufs, ce à quoi il avait rétorqué:

- Pas la peine, ça arrive. Pas souvent, mais ça arrive.

Bref, arrivés au pied de son immeuble, je constatais que Paul habitait à deux rues de la mienne. Je montais donc avec lui. Mon esprit était encombré de mille pensées toutes plus déprimantes les unes que les autres. D'abord, j'étais habillée n'importe comment. Un bas de jogging qui me tombait sur les hanches, un caraco blanc moulant et des tongs. Oui, j'avais choisi ce matin-là précisément pour sortir en tongs. Une pince relevait mes cheveux et zéro maquillage. Mieux, et pour parfaire le tableau, je traînais mon cabas à roulettes vert anis. Inscrit en gros dessus: "C'est toujours moi qui fais les courses!" En y réfléchissant, c'était un peu idiot: vivant seule, qui d'autre aurait pu faire les courses?

Lorsque nous pénétrâmes dans son appartement, je ne fus pas surprise. Tout était décoré avec un goût à la fois sûr et pointu. Cela ressemblait aux photos de mes magazines de déco. Meubles bruns, immense divan en cuir parsemé de coussins çà et là, trois livres d'architecture qui s'empilaient sur la table basse, faisant écho à une bibliothèque design bien fournie en ouvrages d'art, une bouteille de whisky que je devinais de qualité sur le bar et deux grands tableaux, représentant des scènes de chasse, réalisées de façon très moderne.

- J'en profite pour prendre une douche, j'ai été courir ce matin. Je fais vite, fais comme chez toi.

Sauf que chez moi, j'aurais viré mes tongs et en me vautrant sur le canapé, j'aurais saisi la télécommande en cherchant le programme me laissant le moins de temps de cerveau disponible.

Là, je n'osais pas bouger. Les mains sur les genoux, comme une fillette, je scrutais minutieusement tout ce qui aurait pu me donner un indice sur la vie de Paul.

Pas d'accessoire féminin. Bon point. Un goût pour l'art, pour les bons produits. Appartement très propre. Rien de plus précis...

Il revint enveloppé dans une simple serviette blanche. En réalité, la scène n'avait rien de spécialement provoquant. Le drap de bain était large et plus couvrant que le short qu'il portait avant l'incident des œufs, mais je sentis le feu me monter aux joues. Plus je sentais que je devenais rouge, plus je craignais qu'il ne devine mes pensées érotiques à son égard... et plus je devenais rouge. Cercle vicieux.

- Tu m'entends? Tu veux un café?

Je sursautai.

- Euh... Oui, merci.

- Je te laisse te servir, je file m'habiller.

Je me levai mécaniquement et me dirigeai vers la machine à café. Bien sûr, Paul n'avait pas une Nespresso comme tout le monde. Il avait une machine quasi professionnelle, du style qui moud le café, se détartre toute seule, garde votre tasse au chaud, et vous offre une goutte de crème sur demande. Encore fallait-il trouver le bon bouton.

J'observai la machine. Il devait bien y avoir un moyen de l'allumer. Je jaugeai la bête comme s'il s'agissait d'un ennemi. Le regard à l'affût, je fis le tour, souple comme une liane et prête à bondir sur le moindre bouton susceptible de s'appeler ON-OFF.

Evidemment, je ne l'ai jamais trouvé. Lorsque Paul revint, je m'étais servi un verre d'eau du robinet en prétextant nonchalamment que j'avais bu trop de café ce matin-là.

- OK. Ca te dérange de m'en faire couler un pendant que je nettoie ma paire de baskets? J'en ai pour trois minutes.

Et merde.

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Si vous avez aimé, pensez à presser l'étoile (aucun sous-entendu dans l'expression!) :) Et comme vous tous j'apprécie les commentaires afin de m'améliorer et d'orienter Maeva dans sa vie amoureuse... A bientôt!