Palais royal d'Ymmaril, Neuvième Cour d'Ombre
— Ard-ælla, est-ce que la température vous convient ? me demande l'aslith.
— Merci, ça ira très bien comme ça, Yrn. Tu peux te retirer.
L'esclave me regarde avec ses étranges yeux noirs, qui n'ont plus rien d'humain, puis baisse la tête et se retire à reculons. En manquant de heurter Tamyan, la malheureuse manque défaillir.
— Prenez ma vie, Obscur, Ultime Incarnation de la Nuit, annonce-t-elle d'un ton dramatique, plus transportée que terrifiée.
« Obscur ». C'est le nouveau titre de Tamyan. Magnanime – et visiblement impatient de se glisser dans le bain avec moi après sa longue journée -, il lui fait signe de se relever. Après avoir salué dix mille fois, Yrn consent enfin à quitter la salle d'eau.
Tamyan vient se planter devant le muret en onyx incrusté de paillettes d'or et de quartz qui tapisse la piscine, un sourire lascif aux lèvres. Je nage vers lui et pose mes bras sur le rebord.
— Que vas-tu faire d'elles ? lui demandé-je.
Elles : les centaines d'esclaves dévouées au plaisir et au confort du roi. Certaines n'avaient même jamais vu l'Obscur de leurs propres yeux, enfermées toute leur vie dans cette espèce de Cité Interdite gothique, éternellement suspendues entre la vie et la mort, telles des fleurs conservées sous verre. Tamyan en a hérité avec les appartements royaux. Et moi aussi, puisque je suis sa reine. Yrn fait partie du lot.
— Je ne sais pas. Mon cousin me suggère d'en convier une ou deux dans notre couche, cette nuit. Mais je ne suis guère intéressé, et je trouve l'avis un peu fort de café pour un mâle qui ne cesse de courir après une chimère et dédaigne toutes les femelles dévouées qui se présentent à lui... Lathelennil n'a pas tenu sa promesse, et refuse d'accéder au désir d'Unila, faisant de moi un parjure.
Je plonge mon nez sous l'eau. Je sais que ces concubines royales, aussi douées soit-elles dans les arts de l'amour, ne l'intéressent pas. Il n'y touchera pas. Du moins, pas tant qu'il n'aura pas ses fièvres. Lorsque cette période arrivera... il se peut que je sois impuissante à étancher sa soif de sang et de sexe. J'en suis bien consciente.
— Comment va Mila ? me demande Tamyan en plongeant nonchalamment sa main dans l'eau.
— Elle va bien. Tout cela est nouveau pour elle, mais elle s'est rapidement faite à la nouvelle situation. Mais je m'inquiète un peu pour elle. Je ne peux pas la laisser à Dorśa, et ici, elle est en danger, une esclave humaine parmi d'autres, sans valeur.
— Les aslith ont un statut et de la valeur : ils ne sont pas en danger. Ils ont un métier, un savoir-faire varié, et peuvent devenir fynasyn, comme Nyrn ou Umü, ou s'élever dans la hiérarchie, comme toi et Rika. Et la sœur de la reine est intouchable, tu imagines bien. À mon avis, Faël, elle est plus en sécurité ici que chez les tiens.
Tamyan n'a pas tout à fait tort. Mais la seule idée que Mila puisse être séduite par un ældien m'empêche de dormir.
— Je dois trouver une solution pour elle, Tam. Être « esclave » n'en est pas une.
— Aslith ne veut pas dire « esclave », me corrige Tamyan. Cela veut dire « celui ou celle qui sert ». Cela peut nous arriver à tous, de servir. Et ce n'est pas permanent. En outre, nous sommes tous liés par les chaines de la domination et de la soumission. Ce sont les Lois du Peuple. Moi-même, je sers. Toi aussi.
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LA CHAIR ET LE METAL T2 (Ne m'oublie pas)
Science Fiction"Lle naa vanimë. Tu es mienne." Pour lui, je suis sa chose : une captive, une esclave. Qu'il traite mieux que les autres, qui a le droit à certains égards. Qu'il subjugue avec ce pouvoir d'attraction incroyable propre aux ældiens, qui fait perdre la...