Tome 2 - True Love

Chapitre 35

     — Tourne-toi.

     — Quoi ? coassa Loup en redressant la tête, interloqué.

     — Tourne-toi, répéta Cassien, cassant. Je suis venu pisser et si je dois rester enfermé ici avec toi, autant que je me vide.

     Sa sécheresse fut l'égal d'un coup de fouet. Il pivota sur le bord de la baignoire, balança ses jambes de l'autre côté et, absorbé par le silence, finit par tirer le rideau. Peut-être qu'en se substituant au regard de Cassien, il lui apporterait un peu de paix et l'envie de meurtre disparaîtrait de son regard. Il soupira et glissa dans le coin de la baignoire allant jusqu'à s'allonger pour fixer le plafond épuré. Tout allait de mal en pis à cette fête. Lorenzo, bordel..., songea-t-il, plaintif.

     L'eau du robinet éclaboussa le lavabo et il se focalisa sur ce bruit, déterminé à se faire tout petit. Cassien devait souffrir de sa présence et l'effacer restait la seule chose à faire. Son portable vibra une nouvelle fois. Réticent, il finit tout de même par le sortir de sa poche. L'écran illumina son visage fatigué. Le même prénom s'affichait sur un peu plus de quarante-huit notifications. Il verrouilla l'appareil et le reposa contre son torse, désemparé. Il ne savait plus quoi faire pour Aubin.

    Rien n'allait. Être soulagé ne durait qu'un temps quand son ex parvenait à le faire culpabiliser. Ses textos étaient un mélange de mots d'amour et de reproches à peine voilés. Il s'empêchait de répondre à la plupart, mais se sentait le devoir de le ménager. Au final, il s'embourbait dans ce quotidien depuis déjà un mois. Il n'arrivait pas à faire entendre sa voix. Aubin la noyait sous une flopée de "je t'aime" et de "on est fait pour être ensemble". Il refusait d'entendre que cette relation était terminée, persuadé qu'ils finiraient par se retrouver. Sauf que Loup ne rêvait que d'un peu de tranquillité.

     Il ne peut pas s'effacer ? Comme tous les exs ?

     En parlant d'ex... Il plaqua les paumes de ses mains contre ses paupières, espérant vainement que Cassien ne lui en voulait pas trop. Ridicule quand il savait avoir agi en parfait connard. S'en vouloir ne résoudrait rien. La culpabilité, il la traînait depuis longtemps. Vieille amie, elle s'était faite oublier. Jusqu'à ce que le bleu revienne entourer le vert.

     — Qu'est-ce que j'étais pour toi ?!

     Ce cri, déchirant, brisa les chaînes de ses pensées. Il se redressa, incapable de répondre de vivre voix. À la place, ses yeux caressèrent le visage de cet homme qu'il avait connu garçon, de cet homme qui lui avait montré qu'on pouvait être aimé en retour plutôt que de se satisfaire d'un amour à sens unique. Tu étais tout. Impossible de prononcer ces mots sans le blesser davantage, alors il se tut. Encore.

     — C'est tout ce que tu sais faire, hein ?

     Le rire qui franchit ses lèvres arracha des frissons d'horreur à Loup. C'était déchirant de constater qu'il avait pu briser quelque chose chez ce garçon qu'il avait aimé de la plus belle des manières... avant de le détruire.

     — Fuir. Constamment.

     Fautif, il pinça les lèvres et ramassa son genou gauche contre son torse, comme une protection, une carapace, capable d'endiguer la douleur de ces mots. Mais ne les avait-il pas mérité un peu ? Ne devait-il pas encaisser ? Son regard accrocha l'écran de son portable qui s'illumina quelques secondes à peine. Assez pour emballer son cœur de frayeur. Assez pour qu'il appuie rapidement sur le bouton de verrouillage. Assez pour constater qu'Aubin l'appelait pour la douzième fois.

     — Alors, c'est ça maintenant ? Tu vas donc te contenter de m'ignorer, comme pendant ces deux mois ? Ou peut-être que tu vas me lâcher un vu, ajouta-t-il quand enfin, Loup osa le regarder. Puis tant que tu y es, t'as qu'à taper deux fois sur moi, peut-être qu'il y aurait un cœur qui apparaîtra sur ma tête.