De l'envie au dégoût, il n'y a qu'un pas

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Les hommes. Je croyais les haïr à un moment donné, mais ce n'est pas de la haine. La haine, même dans sa violence, cache parfois un lien, aussi tordu soit-il, une forme d'attachement inversé. Moi, ce que je ressens, c'est différent. Un dégoût froid, presque clinique, face à leur bêtise, leur ignorance, leur obsession de gonfler un ego insatiable. Beaucoup d'entre eux vivent dans une quête absurde : accumuler des trophées, qu'ils soient faits de chair, de pouvoir ou d'illusions. Je crois que je suis devenue intolérante. Intolérante à la bêtise, à l'ignorance, à tout ce qui nourrit l'ego. Et la plupart des hommes semblent s'en abreuver comme d'un carburant essentiel. Qui aura la chance de montrer sa femme comme un trophée ? Par sa beauté ou par sa conformité à ce guide imaginaire de la « Femme Mariable », une absurdité héritée de siècles de patriarcat. Bien sûr, ce statut doit se mériter. Une femme ne doit pas avoir multiplié les partenaires : trop de possibilités de comparaison, pensez-vous. Et puis, une femme est considérée comme « salie » dans ce cas-là. Salie par qui ? Par des hommes.
On pourrait en rire, en faire une blague Carambar appartenant à la série « Le comble » : qu'est-ce qu'un homme trouve répugnant ? Un autre homme. Voilà où en est la bêtise.
Mais ce dégoût ne m'empêche pas de rester humaine. Au fond de moi, il y a toujours cette envie de douceur. J'ai foi en l'idée qu'une connexion sincère peut encore exister. Il y a des jours où je ne veux rien d'autre que sentir des bras m'entourer, juste pour me rappeler que la tendresse, malgré tout, n'a pas disparu.
C'est dans cet état d'esprit que j'ai rouvert une application de rencontres. Je sais bien que ces plateformes ne sont pas des refuges de sincérité. Mais parfois, on jette une bouteille à la mer. On espère. Une part de nous veut croire qu'il existe quelqu'un, quelque part, qui partage ce même besoin de vérité et d'échange réel.
Je suis tombée sur cet homme. Au début, il semblait différent. Nos premiers échanges étaient respectueux. Il disait chercher une relation stable, quelqu'un avec qui construire. Nous parlions d'envies communes, d'authenticité. Pendant un moment, j'ai voulu croire que cette conversation pouvait mener à quelque chose de vrai.
Puis, tout a basculé. La conversation est arrivée sur le sujet des enfants. Il m'a demandé si j'en avais. Je lui ai répondu que j'en ai quatre et presque instinctivement, j'ai précisé qu'ils ont tous le même père. Non pas parce que cela devrait avoir la moindre importance, mais parce que je sais pertinemment ce qui se passe dans leur tête. Une femme avec plusieurs enfants, c'est forcément une femme instable, irresponsable, une hystérique qui sème le chaos dans la vie des hommes avant de se faire abandonner. Cette image grotesque qu'ils se forment immédiatement est à mille lieues de ce que je suis. Je suis une mère aimante, attentionnée, qui protège ses enfants de toute forme de déséquilibre et qui les place toujours en priorité. Mais le simple fait de devoir me justifier pour écarter ce cliché me dégoûte profondément.
Il n'a même pas cherché à masquer son mépris. Je l'ai senti. L'atmosphère a changé, brutale, presque glaciale. Puis il a lâché : tu sais, je suis acteur pornographique. Ça te gêne ?
Je suis restée un instant sidérée. Pas tant par sa profession chacun fait ses choix mais par l'agression implicite de cette déclaration. Ce n'était pas une information partagée dans un esprit de transparence. C'était une provocation, une manière de me rabaisser, de m'objectifier. Comme si, à ses yeux, je ne méritais plus le respect. Comme si, en tant que mère de famille nombreuse, je n'étais plus qu'un objet de dérision.
J'ai répondu calmement que je respectais son choix, mais que ce n'était pas quelque chose avec lequel je serais à l'aise. Je savais déjà que ça ne servait à rien. Ce genre d'homme ne cherche pas à dialoguer. J'ai mis fin à la conversation, simplement, en lui souhaitant une bonne soirée.
Il a tenté de se rattraper. Il m'a dit que c'était une blague, d'un ton léger. Mais ce n'était pas une blague. C'était une insulte déguisée, une tentative de réduire ma valeur en me projetant une image dégradante.
Et c'est là tout le problème. Ce genre de moment, ce n'est pas une simple anecdote. C'est une leçon brutale, une piqûre de rappel constante de la violence ordinaire que tant de femmes doivent affronter. Cette violence, bien qu'invisible aux yeux de beaucoup, nous oblige à construire des murs épais autour de nous, à nous armer de méfiance et de froideur, pour éviter que les coups n'atteignent notre cœur. Il faut être prête, à tout moment, à encaisser le mépris, à détourner les jugements et parfois même à renoncer à nos émotions pour survivre. Mais ce n'est pas juste. Cette insensibilité que nous sommes forcées d'adopter pour nous protéger est une arme à double tranchant, car elle éteint aussi une partie de nous, cette partie vulnérable qui aspire encore à la douceur, au respect et à l'amour.
La désillusion des hommes se joue à peu de choses. Avoir des enfants, un passé, être entreprenante, être libérée de ses chaînes et sortir des sentiers battus suffit à les dégoûter. Nous devons constamment prouver que nous méritons le respect. Nous devons lutter contre des clichés absurdes, alors même que ce respect devrait être notre droit fondamental.
Le plus ironique, c'est que cet homme était lui-même parent. J'ai appris, au détour de l'échange, que son ex-femme l'avait quitté. Ce sont souvent les plus médiocres qui jugent avec la plus grande férocité, comme pour masquer leurs propres échecs. Ces hommes, incapables de remplir leurs propres critères, s'arrogent pourtant le droit d'évaluer et d'objectifier les femmes.
Mais moi, je refuse ce jeu. Je ne leur dois rien. Dommage de l'avoir compris sur le tard, cela m'aurait évité bien des déceptions.

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