VII. Un psy sinon rien

48 9 0
                                    

Je remontai en trombe chez moi.

Première urgence: appeler Sophie pour aller débriefer cette matinée pendant quelques heures et quelques verres.

Sophie décrocha. J'entendis un faible "oui?"

- Salut So, c'est moi! Il faut que je te raconte un truc de dingue, tu vas jamais en revenir!

- Moi aussi Maeva j'ai quelque chose à te dire.

Ca, ce n'était pas prévu dans le déroulé.

- Je t'écoute?

- Marc et moi, nous nous séparons.

Je restais interdite. Muette. Scotchée. Paralysée. C'était impossible. Sophie et Marc, Marc et Sophie... LE couple idéal, notre modèle à tous. Ensemble depuis le collège, toujours amoureux. Du moins, c'était ce que nous pensions.

- Mais... Mais pourquoi? réussis-je à articuler après quelques secondes qui me parurent une éternité.

- Je pense qu'il a rencontré quelqu'un, je n'en suis pas sûre. Mais de toute façon ça n'allait plus depuis un moment entre nous.

- C'est toi qui as pris cette décision?

- Nous l'avons prise d'un commun accord.

- Et pour Manon, vous faites comment?

Manon était ma filleule. C'était la plus adorable des gamines, et d'ailleurs la seule que je supportais dans notre groupe. Elle approchait les 4 ans, avait de grands yeux gris et un don pour m'embobiner avec sa moue friponne.

- Garde alternée.

- Et pour la maison?

- En attendant de la vendre, je prends un appart' dans le quartier, pas trop loin de l'école.

J'en avais oublié l'objet initial de mon appel.

- Passe à la maison So, on en discutera si tu veux.

- OK. Manon est avec Marc, je suis seule à la maison, j'arrive.

Un quart d'heure après, elle était là, sanglotant dans mon salon. J'étais à la fois très émue et très mal à l'aise de la voir ainsi. Elle, le pilier du groupe, la femme indépendante et enjouée, tombait bien malgré elle le masque ce jour-là.

Je la laissai vider son sac. Elle n'accusait Marc de rien, tentait plutôt d'analyser ce qui les avait conduits à l'échec, sans amertume mais avec une grande tristesse. Je lui dis que son attitude me paraissait très (trop?) sereine. Elle me répondit sur le ton de l'évidence:

- Oui, ça c'est depuis que je vais chez mon psy. Il m'aide beaucoup.

- Quoi? Tu vas voir un psy? Toi?

- Et pourquoi je n'irais pas? répondit-elle sèchement, piquée au vif.

- Non, enfin je sais pas, je te voyais pas aller, enfin, tu vois quoi...

- Non, je ne vois pas. Il m'aide beaucoup à analyser la situation. Il m'aide à avancer.

- OK, je comprends tout à fait. Et comment analyse-t-il la situation?

- Il pense que je sais d'où vient l'origine de cet échec.

- Ah bon? Et d'où?

- Ca je ne sais pas. C'est à moi de le découvrir.

- Euh... mais encore?

- Il m'a dit que j'étouffais toute cette colère en moi depuis des années pour ne pas déplaire à mes parents, et que cette blessure avait été le début d'un conflit intérieur qui ne se révèle qu'aujourd'hui. C'était écrit quoi.

- So, s'il te plaît, dis-moi que tu plaisantes... j'ai l'impression de lire un mauvais article de magazine féminin.

Elle ne répondit pas, visiblement très énervée par ma dernière remarque. Son ton redevint plus fragile.

- Je n'ai pas besoin que tu me juges en plus de ça...

- Oui, tu as raison, je suis désolée.

Je la pris dans mes bras, elle se remit à sangloter.

- Une dernière question sur ton psy Sophie: il t'a prescrit des médicaments?

Pleurant contre mon épaule, elle m'avoua:

- Oui, des antidépresseurs. Ca me fait du bien.

Soudain, on frappa à la porte. Je me levai tout en me promettant que je ne laisserais pas Sophie se shooter aux médicaments. J'avais toujours éprouvé une méfiance naturelle à l'égard des psys, et surtout des antidépresseurs. C'était idiot, la majorité d'entre eux étaient sans doute des gens sérieux, diplômés, apportant aide et réconfort à leurs patients. Quant à leurs prescriptions, ils devaient savoir ce qu'ils faisaient. Mais c'était plus fort que moi. J'ouvris la porte.

- Tiens, je te ramène l'objet d'art que tu as oublié chez moi ce matin, me dit Paul en riant.

Il me tendait mon beau cabas vert anis à roulettes.

Sophie leva la tête et fit des yeux ronds comme des ballons. Sous le coup de la surprise, elle avait cessé de pleurer et semblait pétrifiée.

- Vous vous connaissez je crois...

30 StoryOù les histoires vivent. Découvrez maintenant