Mars (2)

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UNE VALSE AVEC LES DÉMONS 


Vendredi 22 mars

Le sweat bleu glissa de la barre et s'étala sur le sol. Un pincement au cœur me gêna. Des frissons coururent le long de mon bras jusqu'à l'extrémité de mes doigts qui hésitaient à le récupérer. La musique jouait toujours, me faisant accumuler du retard sur mon enchaînement.

Je résistais. Et récupérer mes pas, décomptant le tempo.

Depuis ce moment avec Ethan, il accaparait mes pensées, m'enfermant dans cet instant hors du temps que je ne cessais de faire revivre dans mon esprit.

La voix d'Adèle m'en extirpa.

Chacun de mes mouvements était une libération, un oubli du poids que je portais.

Quand je dansais, je ne pesais plus qu'une plume.

Le déboulé de mon enchaînement se dessina avant de finir par un chassé où mon corps s'élança dans un grand jeté. Je retombais parfaitement, reprenant ma place où mon corps guida mon esprit. Je le laissais prendre le contrôle. La musique s'infiltrait en lui, glissant sur ma peau comme mes pieds sur le parquet avant de poursuivre l'enchaînement au sol.

J'étais libre.

Ce soir-là, comme tous les vendredis soir, je devais répéter avec Martin. J'étais arrivée plus tôt, Sophie m'avait salué m'indiquant que je pouvais commencer à m'échauffer. La salle était vide. Depuis une vingtaine de minutes, Skyfall faisait danser mon improvisation qui remplaçait les révisions. Ces moments d'inventions étaient ma porte de sortie pour ne pas ressasser ces moments maudits. Toutes ces chutes, à chaque contact de Martin essayant d'empoigner ma taille. Le même schéma se produisait, mon corps se raidissait cherchant à n'importe quel prix un moyen de s'en extirper.

Je n'y arrivais pas.

Mon corps était toujours marqué par l'empreinte de ses mains. De son contact. De son souffle. Où la fumée s'écrasait contre ma peau. Où la nicotine infiltrait mes pores.

Je secouai frénétiquement ma tête, lançant une douleur vive à ma nuque. D'une seule pensée, ma tête replongea dans ses souvenirs noyés. Je ne voulais plus les vivre, je ne supportais plus de les voir défiler, apparaître comme un flash devant mes yeux. M'enfermant à double tour.

— Hein !

— Je voulais pas te faire peur, s'excusa doucement Martin en s'approchant à pas feutrés.

Je me retournai, levant les yeux vers les siens emprunts d'une légère inquiétude. Son corps se courba à ma hauteur avant de finalement s'asseoir, les coudes appuyés sur ses genoux pliés.

Ma tête pivota de nouveau face au miroir, où ma mine avait perdu de la couleur, même mes joues ne se coloraient plus de ce rose si caractéristique.

— Je révisais la choré dans ma tête, mentis-je d'un faux sourire avant de me relever et de ramasser mon sweat.

Sa voix se percuta à mes oreilles,

— Tu mens très mal. Il se releva. Après si tu ne veux pas en parler, aucun problème lança-t-il dans un souffle avant d'arriver à ma hauteur. On est là pour danser. Après tout. rajouta-t-il avec une pointe de sarcasme, un sourire en coin lui donnant un air plus joueur.

Je ne relevai pas ce changement d'attitude et partit enfiler mes pointes.

En revenant, le bruit du bout des chaussons se répercuta dans le silence de la pièce. Martin jongla de mes chaussons à moi, finissant son étirement des attitudes.

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