Écume d'été

Chapitre 21 - Exigences

Ils restèrent moins de huit jours à Okra. Bien qu'elle ait adopté le rythme des habitants — levée tôt, couchée tard et longue sieste pendant les heures les plus chaudes — elle avait toujours l'impression de manquer d'énergie. Et puis il y avait les insectes, attirés par l'humidité, qui voletaient incessamment autour d'elle en cherchant à se nourrir de l'humidité de ses yeux ou de ses lèvres,. Elle se sentait coupable de se plaindre en voyant les hommes et les femmes travailler dur sous le soleil brûlant, équipés d'outils usés jusqu'à la corde, attendant désespérément les prochaines livraisons de Jivaran ou d'autres pays voisins.

Norah et Sameer lui manqueraient, tout comme certains habitants d'Okra avec qui elle avait commencé à tisser des liens. Étrangement, au-delà de la curiosité initiale, elle se sentait beaucoup mieux acceptée dans cette ville isolée que dans une grande ville surfacienne. Norah était probablement la seule ondine que beaucoup d'habitants aient jamais vue, surtout les enfants, mais ils avaient été accueillants. Les petits venaient vers elle avec une curiosité candide, la dévisageant attentivement, comparant leur peau dorée et leurs cheveux sombres et raides à son teint pâle et ses boucles rousses. Ce n'était pas la même attention que celle qu'elle avait reçue au cœur de Jivaran, où les regards étaient souvent teintés de rejet.

Malgré tout, elle était heureuse de reprendre la route. A leur départ, Sameer et Ishan échangèrent une accolade joyeuse, se promettant de se revoir rapidement, ce qui fit sourire Shae. Leur trajet vers leur prochain point de chute, Kotar, serait plus long que l'aller. Cependant, ils quitteraient le désert plus rapidement pour longer la côte sud jusqu'à la ville maritime. Ishan lui avait brièvement expliqué qu'un des plus grands festivals de Jivaran s'y tenait chaque année, célébrant la flotte de la ville et ses activités marines. Malheureusement, elle apprit que Falak en était l'une des ambassadrices et y serait également présente.

Après plusieurs jours de route, ils quittèrent les dunes rouges du désert pour atteindre une végétation verdoyante, baignée par un climat plus clément. En longeant la côte, plusieurs petits villages devinrent leurs escales successives. Arrivés à Tarib, le premier village en bord de mer, Shae se laissa guider jusqu'à la jetée. C'était la première fois qu'elle revoyait la mer depuis son réveil. Le vent faisait fouetter ses cheveux sur son visage, tandis que des embruns salés se déposaient sur sa peau. Elle ne savait pas si elle se sentait apaisée ou angoissée. Une part d'elle reconnaissait ces éléments avec une étrange familiarité, tandis qu'une autre craignait de voir surgir des profondeurs cet homme qu'elle avait aperçu à la fosse. Alistair. L'homme responsable de la mort de sa sœur et celui qui avait cherché à l'épouser, probablement avec des intentions tout aussi funestes.

— C'est vrai ? s'exclama la voix de Pooja derrière elle. C'est la première fois que tu vois la mer ?

La question s'adressait à Zarin, qui balayait le paysage d'un air désabusé. Elle haussa les épaules.

— Ce n'est rien d'autre qu'une grosse flaque, je ne vois pas pourquoi on en fait tout un plat.

Mais son regard trahissait une curiosité enfantine. Shae lui sourit.

— Tu devrais voir ce qu'il y a en dessous. Des tours gigantesques de corail, des poissons de toutes les couleurs, des fermes de perles... tu pourrais même monter à dos de dauphin.

Les yeux de Zarin s'agrandirent.

— Là, tu as mon attention.

Les trois femmes restèrent un moment à contempler les vagues qui roulaient au loin. Ils atteindraient bientôt Kotar, et Ishan avait prévenu Shae que l'accueil risquerait d'être froid. Des tensions persistaient entre la ville côtière et les habitants des mers. Sans oublier Falak. Shae ne pouvait écarter la possibilité que c'était elle qui avait envoyé l'assassin dans sa chambre. Avec un soupir, elle se détourna du flot incessant des vagues et rejoignit son convoi.