SCOLIO'ME

Avril (2)

TU SAIS NAGER 

17h43

— Il ne nous reste qu'un arrêt et après nous aurons une vingtaine de minutes de marche.

La voix concentrée de Lise contrasta avec la tempête que mon esprit subissait.

Comme pour trouver un ancrage dans toute cette mer agitée, j'arrachai la peau autour de mes doigts. Mes ongles furent rapidement tâchés de sang.

Sans un mot, Lise me tendit un mouchoir. Je le récupérai, muette et essuyai mes doigts. Autour de moi les bruits sourds du bus s'amplifiait. Des murmures au téléphone d'un petit-fils à sa grand-mère aux potins de deux écolières revenant du collège jusqu'aux jurons de Lise se disputant avec son application GPS.

En détournant le regard, la ville défilait. Le coucher du soleil peignait les premières façades des maisons dans les quartiers ressemblant à celles de notre famille d'adoption.

Mon téléphone vibra dans ma main. La chaleur de ma poitrine s'enflamma jusqu'à mon coeur avant que la chair de poule ne dévale ma colonne.

- Tu veux m'en parler ?

Ethan

Les fourmillements dans mon corps relurent ma réponse. En attendant la sienne je redécouvris les messages du dessus. Notre conversation était une bouée à laquelle je m'accrochai.

Il était mon soutien.

Même avec le décalage horaire, il m'avait répondu. Débutant par de simple phrases, découlant sur des conseils jusqu'à me changer les idées par le récit de son ennuyeuse journée.

- L'imprévu est souvent ton ennemi le plus redoutable. Mais tu ne pourras pas l'empêcher. Essayes de voir le verre à moitié plein. T'es pas toute seule, Math et Lise sont avec toi. Profites de ce moment pour décompresser et faire le vide. Regarde le paysage qui t'entoure, respire l'air pollué de la ville. Et puis si vraiment vous êtes perdues, appeler votre famille pour qu'ils vous récupèrent. Donc prend une grande inspiration, il y a toujours une solution. Ok ?

Ethan

Mes yeux divaguèrent sur ce long message, où chaque mot m'éloigna de la noyade..

- Merci de savoir trouver les bons mots.

Moi

Il relança d'un emoji et disparut de la conversation.

Comment fait-il ? Comment arrivait-il à trouver les bons mots, à aussi bien comprendre mon ressenti ? À moins que...

Un flash.

Ce soir-là, il m'avait retrouvé dans le couloir quelques minutes après j'étais avec ma mère au téléphone pendant que lui... lui il discutait avec Mathias

— Franchement mec, merci mille fois d'avoir été là et de l'avoir aidé. Je ne sais pas ce qui aurait pu se passer si tu ne l'avais pas croisé.

— C'est bon frérot, pas la peine de me remercier. Je n'allais certainement pas la laisser dans cet état.

— Oui je sais. Mais je sais aussi que ça a dû être difficile pour toi de voir quelqu'un en crise. J'imagine que ça a dû rappelé l'époque où-

Il s'était tu au moment où j'étais apparue devant eux. Qu'est-ce qui avait pu lui arriver ? Lui aussi il avait des crises ? Lui aussi il-

— Ça y est on descend, me secoua doucement Lise, un sourire angélique illuminant ses traits. Loin de l'inquiétude qui barrait il y a encore une heure son visage.