Double je(u)

Chapitre 66 : Accord en désaccord

- Est-ce trop serré ?

Mes yeux faisaient des aller-retour entre le visage de Naveen et le bandage que j'étais en train de réaliser autour de son biceps.

- Un peu avoua le chasseur en grimaçant légèrement.

L'homme était assit sur une chaise, torse nu, les mains crispées sur ses cuisses. Son visage était légèrement plus blême qu'à l'accoutumé et sa respiration un peu plus rapide.

- Pourquoi t'être aventuré dans ses ronces ? Tu sais bien que leurs épines sont vénéneuses grondai-je doucement en nouant le bandage autour de son bras.

Naveen posa la main sur la blessure puis se leva de la chaise. Il avança vers son sac et en retira quelque chose qu'il dissimula derrière son dos.

- Je sais. Mais quand je l'ai vu je n'ai pas pu résister fit-il en s'approchant de moi.

Il se mit à sourire puis, me tendit une fleur. Magnifique, avec des pétales dorées et la fraîcheur de son parfum sucré.

-  Même si elle est superbe, c'était idiot de ta part. Te voilà bien mal-en-point.

- Ne t'inquiètes pas, Keya. Ce n'est pas une petite égratignure qui va m'emp... ah ... je ... pourquoi la pièce tourne com...

Sous mes yeux, je le vis chanceler dangereusement, l'attrapant de justesse avant qu'il ne s'effondre, laissant tomber la fleur. Je fus surprise de constater à quel point son corps était brûlant en pressant son corps contre le mien.

- Bon sang, Naveen. Tu es fiévreux.

- Mmh ... non je vais ... bien ... je peux patrouiller ce soir ... peina t-il à dire.

- Regarde toi, tu tiens à peine debout !

- J'ai juste ... besoin de me reposer ... un peu ... il murmura en posant doucement sa tête sur mon épaule.

- Tu as surtout besoin de dormir. Ne t'inquiète pas pour cette nuit, je prends ton tour de garde.

- Hhhh ... désolé ... je ne te facilite pas la vie ...

- Ne dis pas n'importe quoi. Ces derniers jours, tu as fait bien plus que tu ne le penses confiai-je en posant mes deux mains sur ses joues chaudes afin de lui relever la tête.

- ... je n'aime pas te sentir mal ... je n'aime pas ... savoir que tu es malade ... que tu as mal, que tu n'es pas bien et ne rien pouvoir faire, ne pas être là pour toi, ne pas pouvoir t'aider ... ne pas te servir à grand chose ...

Je ne savais si c'est à cause de ces jours passés à ses côtés, la façon dont il s'était occupé de moi sans rien demander en retour. La douceur dont il faisait souvent preuve et qui contrastait tellement avec son apparence virile. Ce regard remplit d'amour qui me touchait en plein cœur.

Non. En réalité, c'est tout cela qui me poussait à lui donner la réponse qu'il attendait patiemment.

- Naveen, concernant ta proposition ... c'est d'accord fis-je timidement.

Malgré la fièvre qui empirait, ses yeux s'illuminèrent et, poussé par un regain de vitalité, il s'élança dans une déclaration sincère et profonde.

- Keya, je veux bâtir un avenir avec toi et le faire grandir avec ton amour et ton sourire. Plus les jours passent et moins j'imagine passer ma vie sans toi. Je désire plus que tout te faire part de mon amour aussi vibrant que les frissons que tu affliges à mon être et construire au creux de tes bras un avenir tendre et sécurisant.

Ses mots m'atteignirent violemment et firent naître une tendresse infinie pour cet homme qui venait de me déclarer son amour fort et intense. À cet instant, je me sentis unique, précieuse et profondément aimée.

Je pris délicatement sa main qu'il venait de déposer sur ma joue et la colla contre cette dernière. Mes lèvres embrassèrent le creux de sa main. Son souffle chaud caressa ma peau, sa voix  résonna au creux de mon oreille.

Ses lèvres se collèrent à ma joue droite et m'embrassèrent. Je souris aussitôt, laissant ces douces paroles m'envahir. Sa bouche s'approcha de moi, doucement comme pour me laisser le temps de me retirer. Mais je n'en fit rien, me laissant faire en fermant les yeux et en entrouvrant les lèvres. Les siennes étaient douces, chaudes et tendres.
Sa main caressa tendrement ma joue tandis que la mienne se mêlait dans la masse de ses cheveux bruns. Il se rapprocha de moi et approfondit notre baiser qui se fit plus passionné mais resta d'une infinie douceur.

- Keya ... je t'ai attendu pendant si longtemps ! Je sais maintenant que nous pouvons être heureux ensemble. Mes mains serviront à te toucher, mes bras à te protéger, mes yeux à te contempler, mon corps à te réchauffer et mon cœur à t'aimer...

- Shhhh ... garde tes forces. J'ai besoin de toi pour m'aider à t'amener jusqu'à ta chambre.

- D'accord ... je me tais ~

Avec quelques difficultés, nous regagnâmes sa chambre, offrant comme appui mon bras au robuste chasseur. C'était la première fois que je pénétrais dans sa chambre. J'étais gênée de découvrir l'intimité de mon compagnon mais ne pu m'empêcher de jeter un coup d'œil curieux.

Parfaitement agencée, elle se composait du stricte minimum. Une armoire massive faite dans un bois foncé mais finement décorée de volutes dorées dans les angles. À ses côtés, un large fauteuil mêlant bois et cuir, touche de naturel et de robustesse ainsi qu'une petite table basse sur laquelle était posée un épais livre s'intitulant "bestiaire du chasseur". Enfin, un grand lit pourvu de couvertures et de coussins dont les nuances rousses à la fois douces et flamboyantes rappelaient les feuilles qui rougissaient après l'été.

Avec mon aide, Naveen s'allongea et se glissa au chaud sous les draps alors que les premiers frissons s'emparaient de son corps.

- Essaie de dormir lui conseillai-je en dégageant son visage des mèches qui le recouvraient. Je reviendrai t'apporter de quoi faire baisser la fièvre.

- ... d'accord ... murmura t-il avant de fermer les yeux.

Je quittai la chambre sans oublier de récupérer la fleur avant de partir. À mon retour, Naveen qui s'était assoupi avala le remède préparé par Grand-mère puis se rendormit aussitôt. 

Assise au bord du lit, j'observais quelques instants l'homme endormi dont les traits du visage se détendaient au fur et à mesure que le remède agissait. 

Sécurité, respect, amour ... voici ce que me promettait une vie auprès de Naveen. Ce qu'espérait la grande majorité des gens. Ce que j'attendais également. Alors pourquoi n'étais-je pas entièrement heureuse à cette idée ? Pourquoi avais je la sensation que mon cœur n'était pas emballé par mon choix et désirait autre chose ?

Sur cette sensation d'insatisfaction entière, je laissai Naveen se reposer et retournai chez moi me préparer pour assurer la surveillance de la cité. La soirée était inhabituellement fraiche pour la saison, un brouillard dense et persistant avait envahi les rues, leur conférant une atmosphère étrange et mystérieuse. 

Pas facile de surveiller la cité avec cette purée de pois ...j'en viendrai presque à regretter de ne pas avoir demandé à Lekha de prendre la place de Naveen ...