SCOLIO'ME

Mai (1)

Samedi 27 avril

14h12

La lavande s'infiltra sur mes vêtements. Le diffuseur, déposé juste avant la porte que je poussai, permettait à chaque danseur d'entrer dans un nouveau monde. Une bulle remplie de cette odeur fleurie, qui allait bientôt connaître le tempo et le bruit sourd des pointes. Les miennes tapèrent entre elles lorsque je les déposais sur le banc dans le vestiaire, vide.

J'étais toute seule pour le cours. Sophie m'avait proposé ce créneau avant ma répétition hebdomadaire avec Martin pour le spectacle. Dans moins de deux mois, nous allions fouler le parquet dans le rôle du prince et de la fée des dragées.

— Salut Rose, lança Sophie en arrêtant la musique de la chaîne wifi. Tu vas bien ?

Elle s'approcha m'offrant la bise avant de me proposer de m'installer au milieu pour un échauffement personnalisé.

Chacune sur un tapis, je me concentrai pour reprendre les mouvements de ma professeure.

— Et le Canada ? enchaîna-t-elle avec la même énergie.

— Je pense que c'était l'un de mes meilleurs voyages. J'ai vu des choses absolument magnifiques et partir loin de tout m'a fait beaucoup de bien.

Ma voix laissait toujours transparaître l'euphorie qui se dissipait doucement. Deux semaines que j'avais retrouvé mes habitudes et mon esprit restait toujours sur le tarmac canadien.

Son sourire creusa un peu plus ses joues.

— Et toi ? Comment ça s'est passé les deux semaines ? demandai-je soucieuse des traits tirés qu'elle abordait.

Elle relâcha ses épaules, massant par la suite son omoplate.

— On a finalisé la troisième chorégraphie avec les filles, Maya et Olivia ont travaillé le pas de deux avec Martin et j'ai bien avancé avec chaque groupe.

J'acquiesçai. Avant de partir chercher mes pieds avec mes mains. J'avais horreur de cet exercice. Il démontrait la souplesse que devait obtenir une danseuse et même si je réussis à entourer mes orteils de mes paumes, mon dos hurlait. Dans cette position, Sophie vérifiait la déviation de ma colonne. Depuis que deux de ses élèves avaient été diagnostiqué avec une scoliose, elle insistait pour vérifier nos colonnes à travers cet exercice.

— Et on redresse.

Un soupir de soulagement se fit entendre. Je m'étirai faisant partiellement disparaître la douleur qui grimpait le long de ma scoliose. En redescendant mes bras, la gêne réapparut. Je me relevai, préférant l'ignorer et partis échauffer mes chevilles à la barre.

14h56

— La troisième chorégraphie se divise en plusieurs parties.

Sophie légèrement avancée, j'écoutai une à une ses indications à travers le mur de miroir.

— Cette danse va apparaître avant ton pas de deux. Tu vas faire découvrir à Clara le royaume des délices autour d'un magnifique banquet. Et par groupe de 6, vous danserez plusieurs passages.

Ma tête se hocha tout seule, accompagnée par certains « hmm » « je comprends » « oui ».

— C'est ok pour toi ? Me questionna-t-elle les mains sur les hanches à travers le miroir.

— Oui, répondis-je simplement presque intimidée par l'aura que dégageait ma professeure.

Sophie marqua pour débuter les pas avant de les enchaîner sans musique puis avec musique.

Il m'arrivait de prendre des cours particuliers avec elle. Ils étaient tous très éprouvants. Sophie ne nous permettait pas de nous reposer sur nos lauriers. Peu importe notre rôle, nous répétions encore et encore jusqu'à ce qu'elle soit satisfaite et recommencions jusqu'à ce que nous soyons fières de nous-mêmes.