Acacia signa la lettre et reposa la plume dans l'encrier. Elle lut et relut chacun des mots qu'elle adressait à Béryl en se mordillant nerveusement les lèvres. À cet instant, elle envia la verve de Saule qui n'aurait pas autant hésité à aligner ces quelques malheureuses phrases et qui se serait, en plus, payé le luxe de les faire rimer. Surtout qu'elle n'y disait rien de ses sentiments. Elle se contentait de lui demander de la retrouver pour discuter. De nuit. Dans un endroit éloigné des regards.
Un rendez-vous secret, en somme.
Acacia plia soigneusement le message et le cacheta. Puis elle s'adossa lourdement contre sa chaise, comme si l'effort venait de la drainer de toute son énergie. Allait-elle oser lui transmettre cette lettre ? Ses mains couvrirent son visage et elle gémit en secouant la tête.
Pour se donner du courage, elle ouvrit sa boîte à bijoux et fouilla pour en extirper une longue épingle à cheveux. Elle caressa du bout des doigts sa tête en pierre bleue.
C'était l'un des bijoux que Béryl avait semé derrière elle dans les grottes du désert. Elle était restée piquée dans sa ceinture et Acacia ne l'y avait découverte qu'une fois rentrée à Iridièn. Elle avait trouvé bien trop embarrassant de la lui rendre si tard et l'avait gardée.
La jeune femme la fit tournoyer pensivement dans la lumière. Lui revint le souvenir de Béryl, s'en servant d'arme pour se libérer de l'étreinte de la cheffe des brigands. Quelle scène incroyable. La peur qu'elle avait eue pour elle avait été balayée par sa stupéfaction devant le courage de la princesse aubéenne.
Et dire qu'au premier abord, son apparence douce et docile l'avait rebutée. Elle avait même secrètement plaint son frère de se retrouver affublé d'une fiancée si fade. Ses a priori n'avaient pas duré. Quelques jours après l'arrivée des Aubéens, elle avait surpris un regard incisif que la jeune femme avait adressé au Premier ministre. Le regard de quelqu'un qui n'a aucune envie de se laisser berner par des paroles mielleuses. Acacia avait été intriguée. Elle s'était alors mise à l'observer, à la recherche de cette étincelle qu'elle avait cru apercevoir. Et elle avait deviné une jeune femme, certes fragile, qui avait tendance à s'effacer derrière son frère, mais qui vibrait de curiosité, de volonté et de détermination.
Quel bonheur que de voir ses yeux briller à chacune des découvertes qu'elle faisait ! Et le jour du tournoi, quand son véritable rire avait résonné pour la première fois, sans retenue, un voile s'était déchiré. Avant qu'elle n'en soit consciente, son intérêt sincère pour la fiancée de son frère s'était mué en autre chose. Un sentiment qu'elle n'avait vraiment identifié que dans le désert lorsqu'elle avait constaté tous les risques qu'elle avait été capable de prendre pour la sauver des griffes des mercenaires.
Elle enfouit à nouveau l'épingle sous ses bijoux et soupira en refermant le coffret. Dès lors, accepter le futur qui l'attendait était devenu bien plus difficile.
Le feu crépitait dans la cheminée, achevant de racornir une boule de papier qu'elle y avait jeté. Acacia s'en approcha, en tortillant nerveusement une mèche de ses cheveux. Elle tendit la lettre vers les flammes. Sa main hésita, trembla. Elle se ravisa avec un soupir et la glissa dans son corsage. Elle devait cesser de tergiverser.
C'est pourtant ce qu'elle fit toute la matinée. Son fardeau pesait contre sa poitrine. Elle sentait chacun des mots du message brûler sa peau comme s'ils étaient gravés au fer rouge.
Tandis que les jeunes gens du palais s'étaient lancés dans une partie de quilles dans la salle de jeu, elle cherchait un moyen de transmettre discrètement sa lettre à Béryl. Ce qui diminuait beaucoup ses performances. Les boules roulaient sur le parquet, les cris de joie et de frustration résonnaient dans toute la pièce. Sur les côtés, des spectateurs étaient installés dans des fauteuils confortables. Dame Cornaline, dame Gardénia et même maître Santal y dégustaient une infusion en suivant les exploits des joueurs.
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Conte de l'Aube et du Crépuscule
Fantasy"Il était une fois deux royaumes, en guerre depuis des siècles. Deux royaumes que tout opposait sinon les souffrances nées du conflit. Il était une fois un roi et une reine, las de la guerre. Un roi et une reine qui surent mettre de côté la rancœur...
