Le conte revisité.

341 7 1
                                    

La fête battait son plein. Les domestiques chantaient, dansaient et riaient en félicitant le couple. Les robes flottaient légèrement au gré du vent et le crépuscule apportait avec lui une ambiance apaisante. Peu à peu, la magie qui hantait ce lieu se fit ressentir : les bougies s'allumèrent toute seules, des feux d'artifices s'échappèrent dans le ciel et des colombes s'envolèrent pour rejoindre cette multitude de paillettes.

La Belle, plus radieuse que jamais était fermement agrippée au cou de son bien-aimé. Celui-ci la faisait tournoyer au milieu de la piste. Ce soir ils étaient heureux et ensemble après tant de malheurs. Lorsque la symphonie s'apaisa, Belle décida d'aller se reposer dans les jardins. Elle se dirigea lentement vers les sombres bosquets, ses cheveux flottaient au vent et ses petits pieds de gazelle martelaient le sol. Le prince avait préféré se prélasser en compagnie de ses nobles amis et avait laissé sa femme partir dans ces somptueux parcs.

La mélodie s'élevait de nouveau dans les airs et Belle s'allongea dans les fleurs. Elle se laissa bercer par cette douce musique. Alors qu'elle allait s'endormir, un pétale de rose se déposa sur sa peau de porcelaine. Sentant que quelque chose frôlait sa joue, La Belle se releva. Elle découvrit avec stupeur un immense rosier qu'elle n'avait jamais aperçu auparavant. Au moment où elle tendit sa main pour cueillir une de ces merveilles, elle sentit son corps vaciller. Elle tomba au sol et entendit une voix rocailleuse...

« - Belle, Belle... Tu n'aurais pas dû l'embrasser, il s'est peut-être changé en Prince, mais toi que vas-tu devenir ? Il ne connaissait pas l'ampleur de ma malédiction. Effectivement un baiser d'amour a le pouvoir de rendre son apparence humaine à une bête, mais il renvoie également cette horreur sur la bien-aimée de la Bête... Ton temps est compté Belle, ta beauté se flétrira... Si tu souhaites t'en sortir, tu devras voler le cœur de ton prince. Pour t'aider, voici cette dague ! Elle te guidera jusqu'à ton destin. »

Quand elle revint à elle, Belle trouva le tranchant posé près de son doux visage. Elle l'empoigna et le dissimula dans son corset. Elle ne voulait en aucun cas ôter la vie à celui qu'elle aimait mais ne pouvait se résoudre à abandonner l'objet. Belle repartit en direction du château en courant. Elle se jeta dans les bras du Prince et quand il lui demanda ce qu'elle avait fait à sa soyeuse chevelure, elle répondit qu'elle s'était accrochée à un buisson.

Le lendemain matin, alors que son époux dormait paisiblement à ses côtés, Belle reçut une sorte de décharge électrique dans le cœur. Ses pensées se troublèrent et ses intentions, autrefois pleines d'amour et d'affection se changèrent en haine et en désir de jeunesse éternelle. La jeune femme avait gardé trop longtemps sur elle l'objet qui lui avait été confié la veille.

Elle se préparait à assassiner son prince. Belle ne pouvait accepter de perdre sa jeunesse, elle préférait perdre l'homme qu'elle avait pourtant sauvé. Sa proie somnolait devant elle, il ne restait qu'un simple geste à accomplir... Mais à ce moment-là, une jeune servante entra dans la chambre du couple. A la vue de la rage qui animait la princesse, elle se jeta sur le prince pour le protéger. Elle reçut le coup fatal.

En voyant le corps inanimé de sa demoiselle de compagnie, Belle fut prise de panique, elle traversa le château à toute allure. Mais, alors qu'elle fuyait, ses jambes se dérobèrent sous son poids, son dos se courba et son corps percuta violemment le sol. Elle se releva tant bien que mal et comprit que sa jeunesse lui échappait. Prise de panique, elle appela au secours. Le beau Prince accourut, mais quelle ne fut pas sa surprise quand il vit l'état de sa jeune épouse. Elle l'implora de l'aider, mais dans ses yeux, une lueur d'horreur brillait. Le pauvre homme ne se rendait pas compte de ce qui arrivait à son épouse. Il prit peur et s'évanouit.

Belle rassembla les dernières force qui lui restait et se traîna jusqu'à lui. Elle l'aimait, mais son désir de beauté éternelle était bien plus fort que ses sentiments. Elle dégrafa son corset et en sortit la lame. Au fond de son âme, un rire sadique résonnait. Dans une convulsion, elle poignarda son mari en plein cœur.

Le sang coulait, mais elle parvint à tenir le cœur du Prince entre ses doigts. Des larmes jaillirent de ses yeux et elle éclata en sanglots. Mais elle fût encore plus malheureuse quand elle découvrit qu'au lieu d'une peau ferme et rajeunie elle se couvrait d'un léger duvet qui petit à petit se transformait en une belle toison. Belle comprit alors qu'elle était victime de la même malédiction que son époux. Elle hurla de douleur et de rage, mais aucun son ne sortit. Elle était devenue muette. Des domestiques accoururent à la vue du sang. Mais, terrifiée par l'apparence de leur maîtresse changée en bête, ils prirent la fuite.

Belle, se rendant compte de la tromperie de la malédiction jetée par la sorcière se rua sur la dague. Elle embrassa son mari en espérant qu'avec un baiser d'amour il se réveillerait, mais rien ne se produisit. Il était mort. Son cerveau ne fonctionnait plus correctement, elle ne savait plus quoi penser. Son corps tremblait de tous ses membres et la dague s'agitait dangereusement au creux de sa main. Elle la saisit délicatement, la fit pivoter pour apercevoir son reflet dans la tranche. Elle sursauta, le visage renvoyé par le métal était horrible. Difforme, boursouflé et rouge comme sang. Belle était devenue Bête. Un hoquet lui resta en travers de la gorge et elle se lit à pleurer, jamais elle n'aurait cru avoir ce visage un jour.

Belle fut parcourue d'un frisson, presque exaltant et trouva la solution à son âme perdue. Le suicide. Alors, n'étant plus qu'une immonde bête, dépourvue de parole et de compassion, elle planta la dague au plus profond de son cœur.

Le couple gisait à présent sur un sol froid et dur. Les valets et les femmes de chambre ne s'étaient pas transformés à nouveau en objet mais avaient quitté l'immense domaine. Les cadavres n'avaient pas été déplacés, et un rosier avait poussé sur leurs corps. Le temps n'avait désormais plus de prise sur eux.

Ainsi se termine l'histoire de la Belle et la Bête. Tristement fleurie...

© 

Vous avez atteint le dernier des chapitres publiés.

⏰ Dernière mise à jour : Nov 26, 2016 ⏰

Ajoutez cette histoire à votre Bibliothèque pour être informé des nouveaux chapitres !

Nouvelle version de la Belle et la Bête. Où les histoires vivent. Découvrez maintenant