Schizogamie : Vous aimer

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Alors qui aimes-tu ? C'est la question qu'il posa, qu'ils me posèrent d'une voix à l'unisson , un son sortant du même corps dans un effort surhumain . Vous vous rendiez compte à cet instant précis, que vous vouliez la même chose m'avoir au creux de vos bras . Vous qui pensiez haïr tout de l'autre, être si éloigné, différents et à l'opposé voilà que vous perdiez toute l'originalité que chacun cherchait à me démontrer depuis des semaines . Et pourtant mon petit mètre cinquante neuf réussit à réunir les deux âmes qui cherchent par tout moyen à éviter la collision . Je suis un pont si effrayant de par ma petitesse , mais aussi car je vous mène vers une constatation terrible . Vous n'êtes que la même personne dans un même corps , vous n'êtes qu'un seul. On me penserait heureuse de pouvoir être l'objet des désirs de deux hommes, de pouvoir les tourmenter autant et , on me qualifierait d'une de ces femmes à succès . Pourtant je suis loin du stéréotype de la femme pulpeuse et charmante, un air ténébreux et un sourire attirant . Non, l'aimant que je suis par sa force d'attraction n'est rien d'autre qu'une autre femme parmi tant d'autres . Personne ne se retournerait sur moi, je suis une femme plate comme une planche de pain, on y mangerait dessus . Je suis une vraie table et cela malgré mes trente ans et j'ai un ventre disgracieux qui quand je m'assois s'amuse à faire des marches avec mes bourrelets comme toutes les autres , mes mèches de cheveux se rebellent tous les matins et le soir je ne ressemble à rien et je m'endors dans le métro en ronflant . Malgré cela, je vous ai rencontré dans un petit cybercafé , aux odeurs de sueur sous la chaleur d'été, moi-même j'étais aussi rouge qu'une écrevisse, mes cheveux me collant aux tempes, le souffle court et saccadé après ma petite course pour tenter d'arriver avant l'heure de pointe, quand les étudiants à lunettes viennent imprimer leurs travaux . Mais il y avait une chose agréable parmi mon redondant quotidien : Toi, vous . Vous étiez là . Devant cette seule tasse de thé froid . Toi, mon amour . Ton air maladroit quand tu me regardas Marc me fit doucement frissonner, une douce brise en été . La seule place qu'il restait était à tes côtés, j'avais l'impression que tu m'attendais . Tu me fis signe d'un air discret et je m'étais installé auprès de toi. La conversation débuta . Tu étais Marc à ce moment-là, un être timide et frêle, ton corps semblait presque lourd et dure à manoeuvrer. Tu me montras quelques-uns de tes dessins, cela m'étonna qu'une personne ne sachant point tenir une tasse sans la faire trembler et se teinter de son contenu puisse être assez doué pour jouer à ce jeu d'agilité qu'est l'art . Mais tes dessins te représentaient à la perfection . Je pouvais définir ta façon de dessiner à ta façon d'être , c'était quelque chose de maladroit , les traits étaient lourds mais l'ambiance y était légère, j'avais l'impression qu'un enfant avait dessinée innocemment sur la feuille « comment c'est ? » me demanda tu d'un air curieux et joyeux car tu avais enfin acquis mon silence mais aussi mon respect . Je devais l'avouer, c'était magnifique mais il manquait quelque chose et je ne t'épargnai pas

- C'est beau certes, mais il manque quelque chose de réaliste et de percutant.

Alors tu te levas d'un bond je crus t'avoir vexé et toutes les autres personnes autour aussi mais tu écrivis ton numéro sur une serviette . Rien de romantique, mais c'était bien toi Marc . Le gentil garçon niais, il fallait le dire . Tu n'aurais jamais eu une idée très romantique . Tu me demandas de revenir demain et le surlendemain . Très vite, j'appris à connaitre toutes tes manies, tu étais un homme facile à cerner, gentil mais quelquefois ennuyant de par ta bonhomie . Il te manquait quelque chose , il manquait quelque chose à tes dessins c'est à ce moment qu'il fit son apparition . Pendant que nous buvions, une bière chez le bistro bedonnant du coin tu jetas ton calepin à dessin dans une fureur inhumaine . Tout le monde t'inspecta du regard et au lieu de les éviter, tu les affrontas tous et dans une violente rage, tu grognas presque tel un animal sauvage . Je te connaissais depuis quelques jours et que tu brises une seconde fois mon ennui quotidien me fit rire, dans le terrible silence cérémonial que personne n'osait réduire à néant, j'ai lancé un rire qui défonça la porte de ton coeur . Un autre Mark se montra, se fichant des autres, il éclata de rire telle une bombe à retardement, chaque éclat finit par toucher l'ennemi qui te dévisageait et tous finir par mourir de rire . Quand j'avais cet amant avec moi, cet homme puissant qui savait porter le poids de son corps, je n'avais pas peur de l'extérieur . Ce Mark me protégerait au péril de sa vie, il voulait que je sois son jouet, il s'amusait à m'appeler puis me laisser attendre en ligne pour finalement raccrocher et me rappeler une seconde fois puis me laisser parler sans émettre un son . Quand j'étais avec lui, j'avais peur de ne jamais lui suffire mais aussi peur de comment il réagirait . Et je n'avais pas tort, il était arrivé à ce Mark-là de lever la main sans l'abattre sur moi lors de nos disputes . Mark était un homme au sourire ardent, au charme qui dévorait mon esprit, il était telle une flamme incandescente . Il cherchait à faire de toi des cendres Marc . Pour lui, tu étais le faux . Celui qui l'empêchait de vivre sa vie . Vous étiez des jumeaux parasites, deux âmes qui n'avaient pas sues se créer deux corps . Et j'étais là en face de tout cela, incapable de me diriger vers l'un d'entre vous . J'avais des souvenirs avec ces deux marcs mais dès que je m'approchais trop près l'un d'entre vous , vous aviez la même question qui revenait sur vos lèvres . Qui choisira tu ? Comme si l'acte était une tâche facile, mais à chaque fois que l'on me demandait de choisir j'avais l'impression que je ne le pourrais jamais, j'allais comme choisir celui qui était le légitime, celui qui dirigerait ce corps . Je tuerai l'un d'entre vous deux, rien qu'avec mes mots . Une balle, deux cibles, mes tendres amours . Pourtant le lendemain , vous m'attendiez à un café avec une réponse . Lequel d'entre vous sera-là ? L'heureux élu ? J'imagine un scénario dont je n'ai pas l'issu finale , car je suis malgré tout la réalisatrice de ma propre vie . Je te vois , Marc . Je vous vois courir vers Le Marc moins sur de lui , s'assoira timidement après m'avoir tiré la chaise , tu converseras longtemps en voyant mon air dépité et les cernes sous mes yeux . Tu auras pitié de moi , celle qui souffrait de schizophrénie sans en être malade . Tu as toujours été plus tendre , tu es affectueux et ta maladresse te rend irrésistible .Pour rien au monde je ne veux te blesser . Je sais que si je me dirige vers toi , je finirai ma vie avec toi comme tu me l'as promis en faisant ta petite campagne pour devenir le souverain de mon coeur . Plus je pense à vous, plus l'heure avance et je vois déjà le petit matin se profiler . Ancienne réalisatrice de ma vie, me voilà actrice . Personne ne le sait, dans ce métro mais je joue le rôle de ma vie dans le café bas de gamme non loin . Je te vois, ce que tu es beau . Tu m'ouvres la porte mais je t'arrête, une main sur ton torse, mon coeur s'acharne contre moi et tente à défoncer ma cage thoracique pour venir au creux de tes doigts

- Je préfère l'autre .

Et sur ces mots tu m'embrassas . Toi, l'homme que j'aime tant .

SchizogamieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant