Aujourd'hui, il pleut. Des torrents d'eau se précipitent à travers un ciel gris taché d'ombres violettes et s'éclatent sur le trottoir plein de feuilles tourbillonnantes dans le vent. J'adore la pluie. Ca donne à ma ville un air de magie et de mystère, comme si quelque chose d'extraordinaire allait arriver.
Je l'attends toujours, ce quelque chose. Peut-être que ça ne viendra jamais. Mais si j'étais le personnage à un livre, ça arrivera un jour comme aujourd'hui.
Je vais dehors. Ce que je vois ressemble à une toile d'aquarelle quand l'artiste a mis trop d'eau, et les couleurs ont fondu ensemble pour qu'on ne puisse plus rien distinguer. Je sens la pluie me tomber dessous, forte et rapide mais au même temps douce, comme un caresse. Je pense avec pitié au gens qui ont eu la folie d'amener leurs parapluies. Le froid me réveille.
Christophe Colombe avait dit: « On ne va jamais aussi loin que lorsqu'on ne sait pas ou l'on va ». Je pense souvent à ça quand j'attends l'aventure. C'est vrai que savoir où on va impose des limites. On ne songe qu'a sa destination, donc on n'aperçoit pas toutes les autres possibilités. Mais c'est difficile d'aller loin sans savoir où on veut y aller. C'est difficile de décider en quelle direction partir. C'est comme dans Le Petit Prince, quand le narrateur et le prince cherchent, au hasard, un puits en plein milieu du désert. Comment ont-ils le courage de commencer, quand le puits pourrait être dans n'importe quelle direction, ou nulle part? Pendant qu'ils marchent, ils pourraient être en train de s'éloigner du puits, et donc de leur chance de survivre.
« Petite fille, t'es perdue ? » me demande un homme portant une parapluie. C'est vrai que j'en ai l'air. Je suis resté dans le même endroit, sans bouger, dans la pluie pendant longtemps. « Non, Monsieur». C'est un mensonge. Je suis complètement perdue, mais l'homme a l'air pressé. Je ne pense pas qu'il a le temps pour des métaphores.
Je rentre chez moi, en attendant toujours ce quelque chose. Ca serait seulement beaucoup plus tard que j'apercevrai que c'était toujours là. Car parfois, quand on ne songe qu'à sa destination, on n'aperçoit pas toutes les autres possibilités.