Une histoire de pirates (pilot)

38 3 3
                                    

 La proue du vaisseau, sculptée d'un corps de sirène, fusait à travers les vagues à une vitesse de quatorze nœuds. L'écume bouillonnait contre la coque fuselée de la frégate qui taillait les flots aussi rapidement que possible. Cette dernière était fabriquée dans le meilleur bois de toute l'Angleterre, d'une couleur brune, extrêmement résistant, son nom "L'imbrisable" en faisait le matériel de prédilection pour la construction des navires royaux. Le vents'engouffrait dans ses gigantesques voiles à la façon d'un murmure au creux d'une oreille; doux et puissant. Les cordages tendant celles-ci formaient entre les mats une monstrueuse toile d'araignée sur laquelle se débattaient de minuscules insectes pour permettre au voilier de filer sur l'océan. Le pont ressemblait à une véritable fourmilière, son agitation et son tapage étaient semblables à ceux régnant à Londres lors du retour des galères marchandes qui ramenaient des Amériques sucre, cigares et café.

Le Capitaine, depuis le pont supérieur, aboyait des ordres à un équipage paniqué et aux mouvements chaotiques. Les marins, peu préparés, couraient en tout sens, à la recherche de mousquet, de pistolet à silex, de poignard ou de quelque morceau de bois pouvant faire office d'arme. Les plus dociles suivaient toutefois de manière approximative les directives de leur supérieur.

Une équipe d'une dizaine de matelots était en effet descendue sur le pont de batterie où les vingt-quatre canons étaient entreposés.Selon les consignes du Second, qui les avait accompagné, ils remplirent cinq des fûts de poudre, la tassèrent, ajoutèrent les boulets. L'officier donna un signal, les marins allumèrent les mèches. Les projectiles fusèrent dans le vacarme de cinq explosions, les hommes furent projetés à terre par le recul des canons. Le Second se précipita afin d'ouvrir une trappe fixée à la coque de l'embarcation et d'observer les conséquences des tirs.Parmi eux, trois avaient fini leur course dans les flots sans même avoir approché leur cible, un autre avait tout juste éraflée la proue sans causer de dégâts majeurs. Toutefois, le dernier avait filé droit vers le vaisseau ennemi et l'impact avait brisé le mât et sérieusement endommagé la coque.

Le Sloop pirate* s'était néanmoins dangereusement rapproché de la frégate anglaise. Le capitaine britannique, depuis la poupe de son navire fut témoin de l'abordage. Ainsi débuta le spectacle : les boucaniers jetèrent avec une synchronisation impressionnante leurs grappins en direction de la frégate. Ces derniers s'abattirent sur le pont tels une pluie de météorites. Dans un même élan, les forbans tirèrent sur les cordes auxquelles étaient reliés les crochets métalliques afin de rapprocher les deux embarcations. Le Sloop et la menace qu'il représentait devinrent une évidence pour les honnêtes marins anglais : c'en était fini de leur existence.Mais dans un dernier espoir fou, les membres de l'équipage foncèrent d'un commun accord vers les pirates, armés de quelques sabres et mousquets. Les assaillants, surpris, furent plutôt amusés de la manœuvre. L'un d'eux dévoila un sourire édenté à la vue de ces apprentis combattants. Il esquiva habilement le tranchant d'un cimeterre, envoya un coup de sa jambe de bois dans le ventre de son adversaire, lequel tomba à genoux. L'estropié fit virevolter son sabre et l'abattit dans la gorge du jeune mousse. Le combat était lancé.



*Petit bateau rapide, doté d'un seul mât, couramment utilisé par les pirates des Bahamas dans les années 1720.

Vous avez atteint le dernier des chapitres publiés.

⏰ Dernière mise à jour : Aug 04, 2015 ⏰

Ajoutez cette histoire à votre Bibliothèque pour être informé des nouveaux chapitres !

Idées, premiers chapitres, bazar, choses en désordre, titre à rallongeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant